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Peter Sloterdijk, Après nous le déluge : les Temps modernes comme expérience antigénéalogique, 2016

 

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Encore un essai magistral de Peter Sloterdijk.

 

Si vous ne connaissez pas cet auteur, soyez prévenus : ses ouvrages sont denses et exigeants. Mais à ce prix, vous faites un voyage historique, philosophique et anthropologique hors du commun.

 

L'une des caractéristiques de l'oeuvre de Sloterdijk est son approche "psycho-dynamique" de l'histoire. Dans Colère et temps (2007), il posait par exemple les bases d'une histoire de la colère, émotion énergétique et expansive par excellence, dont les modalités de contrôle et d'exploitation sont au cœur des mécaniques politico-religieuses, de l'antiquité à nos jours. Dans Après nous le déluge, on retrouve cette vision de l'histoire comme une variante de la thermodynamique, au sens de science de l'équilibre énergétique des systèmes complexes.

 

Peter Sloterdijk nous parle dans cet ouvrage du hiatus, l'abîme qui s'est creusé dans l'histoire entre les pères et les fils, la fin de la transmission. Comment sommes nous passés de société traditionnelles, dont la continuité intergénérationnelle était une exigence absolue, à la rupture de tous les liens, à la négation des racines, à la déconstruction et à l'auto-génération érigées comme nouveaux mythes fondateurs ? 

 

On parlera bien sûr de la révolution française, de la Terreur et des horreurs soviétiques, mais aussi du mouvement Dada, de la disparition de l'étalon-or et de la fuite en avant keynésienne.

 

On remontera aux sources et on (re)découvrira Socrate et Jésus comme des révolutionnaires qui portent le fer et le feu dans les familles. On relira Hamlet et le Roi Lear comme des drames de la succession. On réécoutera le Rienzi de Wagner en pensant aux destins parallèles de l'aventurier romain et du Führer.

 

Si comme moi vous n'êtes pas agrégé de philo, vous serez probablement un peu perdu dans les références à Hegel, Fichte, Richter ou Kierkegaard. Ça ne m'a pas empêché d'apprécier le voyage.

 

Voici quelques extraits, pour vous faire envie (ou vous dégoûter). En tout cas je pense que le style de Sloterdijk, qui relève à mon avis d'une esthétique alambiquée de la causticité, ne vous laissera pas indifférents :

 

(...) le 15 août 1971 peut être considéré comme la deuxième date fatidique de l’histoire économique et sociale récente. À l’époque, le président américain Richard Nixon (1913-1994) annonça que les États-Unis renonçaient au principe de la couverture-or du dollar. Le jour même où l’Église catholique célèbre l’admission de la mère de Dieu au ciel, commençait sous les yeux du monde entier la descente aux enfers de l’argent postmodernisé qui, au cours des décennies suivantes, ne se débarrassa pas seulement de son lien aux métaux précieux mais abandonna aussi de plus en plus la base qui était la sienne, la garantie apportée par la propriété hypothécable, pour se confier à un système fantomatique d’attentes de pronostic sur le produit intérieur brut — ce que l'on pourrait qualifier de style macroéconomique du vol en piqué contrôlé.

 

   Avec la césure de la modernité, on met hors service les normes atteintes dans le domaine des beaux-arts et l’on s’en moque en les présentant comme des freins « académiques » aux libertés créatives. Le cercle de la capacité qui s’amplifie elle-même laisse place à un régime de transgressions autoamplificatrices de la règle, mieux, à une métarègle des divergences auto-amplificatrices à l’égard de ce qui est attendu, jusqu’à ce que l’on se place volontairement en deçà de toutes les attentes envers la nature artistique de l’art. Depuis, le segment pop du marché moderne de l’art opère de manière offensive au niveau du déchet, comme s’il s’agissait de roder la doctrine selon laquelle seul ce qui est moins que de l’art peut encore être de l’art réel, voire plus que de l’art.

 

   Avec l'accession de Staline au rang d'autocrate, on avait offert, par la force des armes, le roi philosophe au platonisme : ledit roi ferait immédiatement en sorte que la situation de l’Union soviétique se transforme en une icône de la vie vraie. En très peu de

temps, les institutions de I’Etat soviétique allaient se développer pour devenir des copieurs d’idées. Quand le roi inattendu, qui jouissait d’un accès privilégié aux images originelles, dut affronter les complications typiques des périodes transitoires, il paya le prix à payer habituellement pour leur réalisation. Cela offrit au chef de la Révolution l’occasion de prouver sa capacité à exercer ses fonctions. Il en fit la démonstration par la manière dont il engagea le combat contre les résistances du réel.

   La mission philosophique de Staline consista à révéler le fait, dissimulé depuis le début du monde, que les prétendues résistances du réel sont en vérité des oppositions. Il n’existe pas de problèmes, il n’y a que des gens qui créent des difficultés. Il n’existe pas de faits, mais uniquement des saboteurs qui se dissimulent derrière le dos large des affirmations de faits. La révolution est le procédé de démonstration qui dévoile comment un « moi » se dissimule derrière chaque « ça ». La fameuse phrase de Staline « Pas d'hommes, pas de problèmes » formule le chemin russe vers l’objectivité.

 

   Si le progrès et la réaction ont été les notions directrices du XIXe siècle, le bousillage et la réparation sont celles du XXIe. Une politique de plus grande envergure ne semble plus possible que sous forme de service de dépannage élargi. C'est à son propos que la théorie politique bienveillante fantasme depuis un moment sous l'intitulé de Global Governance. Le mot désigne un projet qui n’aboutit ni dans la pratique ni dans les faits, parce que dans le mondes des agissants éparpillés sur le plan local, il y aura toujours autre chose de plus important que le souci du tout. S'il semble impossible, jusqu'à nouvel ordre, d'établir une agence efficace des problèmes globaux, ce statu quo systémique le démontre : aux niveaux supérieurs de la marche du monde, constitués depuis toujours de manière anarchique ou pas constitués du tout, la coordination entre la perturbation et la réparation est encore plus difficile à obtenir qu'à des paliers subordonnés.

   Cette mutation de la force de mise en forme de la politique est perçue par les opinions publiques démocratiques de notre époque comme une gouvernance défensive d'après-coup, intervenant après les incidents et les états d'urgence. Les agences de l'Etat font de plus en plus l'effet de personnages pris dans un mouvement de dérive entre des états instables et d'autres plus instables. La foi en une symétrie entre les problèmes et les solutions, symétrie que garantissait la loi de l'Etre, remontait aux anciennes Lumières ; mais elle s'érode un peu plus chaque jour. La vie consciente dans le monde défini par la logique des asymétries croissantes entraîne dès lors des privilèges indésirables du statut des spectateurs. On est le plus souvent assis au premier rang lorsqu'il s'agit d'assister l'Etat surétendu dans l'autoadministration de son impuissance.

 

   Du point de vue de la dynamique culturelle, on notera que le fait de la corruption anthropique, constaté un millénaire plus tôt par Augustin en termes métaphysiques, a été incarné de manière exemplaire par le clergé égoïste de la fin du Moyen Age, bien avant que l'Etat des Temps modernes ne donne à bon nombre de ses « serviteurs » l’occasion de découvrir les joies liées au fait de plonger soi-même la main dans la caisse.

 

  Ce que Wagner esquissa dans son oeuvre précoce, et qui ne manqua pas son effet, c’était la fusion parfaite entre la politique du génie et le populisme — et il anticipait ainsi les carrières d’innombrables despotes-libérateurs à partir du XIXe siècle et jusqu'à nos jours. A travers son héros scénique apparemment éloigné de ce monde, il préfigurait une longue liste d'acteurs extrêmement concrets qui allait de Lénine, Mussolini, Staline, Hitler et Mao Zedong à Peron, Nasser, Pol Pot, Kabila, Duvalier, Amin Dada, Saddam Hussein, Kadhafi, Ben Ali et d’innombrables autres charismocrates condamnés a l’échec — comme si la modernité

politique avait été un institut de sciences théâtrales et avait produit en permanence de nouvelles générations de faiseurs de catastrophes hautement talentueux.

   D’une manière visionnaire, le mythopoète dévoila sur la scène de Dresde le modus operandi de l’approche populiste de la politique ; les succès des moins scrupuleux parmi les libérateurs du peuple sont depuis toujours fondés sur la capacité — que l’on ne peut

acquérir que partiellement — à faire appel, à l’aide de promesses confabulées, à l’agent le plus sombre de la politique de masse moderne : l’amour secret des malheureux pour le naufrage spectaculaire.

 

Ce que signifie la "modernisation généalogique" résume le fait, relevant de l'histoire de la civilisation, que la différence entre descendance légitime et illégitime a été suspendue au cours du XXe siècle par une politique radicale d'antidiscrimination. L'abolition croissante des différences généalogiques dans les constitutions modernes de l'Etat comme dans les manuels de droit familial a mené à ce résultat aussi inévitable que lourd de dangers, sous l'angle de la psychologie sociale : les différences de statut entre individus et groupes doivent désormais être identifiées dans une concurrence permanente et généralisée, avec des coûts de frustration croissants et des risque de démoralisation accrus.

   Cela constitue un état de fait récent, encore à peine perçu et, a fortiori, compris, dont on ne peut déterminer, provisoirement, s'il répond aux conditions psychopolitiques qui régissent l'existence à long terme des civilisations. L'attaque contre les différences héréditaires se paie par le déclenchement d'une compétition permanente pour les meilleures places, entre des nouveaux candidats censés disposer de chances égales, course qui produit inévitablement d'innombrables perdants. Cela peut expliquer l'effet paradoxal, sur le plan de la psychologie sociale, que les sociétés modernes, tout en jouissant d'une richesse sans précédent, d'une redistribution massive et d'une espérance de vie en forte expansion, doivent lutter contre l'assombrissement chronique de leur humeur fondamentale.

 

   On est en droit de constater que tout, ou presque tout ce qui surgira dans l’Europe postmédiévale et dans celle des Temps

modernes en matière d'énergies d’antirésignation, d’aspiration, de révolte, d’énergies sociorévolutionnaires, futuristes et utopiques — depuis les jacqueries du XIVe siècle jusqu’aux irruptions de la culture de masse au XXe, en passant par les luttes de classe des XVIIIe et XIXe siècles —, trouve ses origines psychodynamiques ainsi que ses modèles de discours et d’action dans les mouvements de critique de la légitimité de la période transitoire entre le Moyen Age et les Temps modernes.
   Dans le clair-obscur qui règne entre les époques, on rencontre pour la première fois les figures de pensée et d’action "déconstructives" caractéristiques dont se servent les illégitimes, les marginaux et les désavantagés de toute espèce pour s’insurger contre leur handicap. Ils ouvrent les écluses des énergies dissidentes en remettant en cause, secrètement ou ouvertement, les situations juridico-culturelles et politico-constitutionnelles d’où a découlé leur rétrogradation. Qu’est-ce que la modernité, de ce point de vue, sinon l’époque dans laquelle l’hérédité des désavantagés est devenue l’objet de conflits ouverts?

 

   Ce qu'on appelle l'égalitarisme dans les discours actuels peut facilement être reconnu, rétrospectivement, dans ses débuts plus concrets, comme l'offensive des bâtards et d'autres porteurs de handicaps héréditaires contre le système établi de discriminations consolidés par le droit. Si l'on écoute attentivement l'expression "égalité des droits", on y percevra des chœurs de ressentiment et d'amertume. On a pratiquement toujours interprété l'impératif d'égalité comme principe de rabaissement commun vers des conditions minimales, à seuils bas, de la vie sociale, alors que la dynamique élévatrice des événements restait sous-exposée. On n'a presque jamais compris, ni parmi les juristes, ni a fortiori parmi les politiciens, que du point de vue de la dynamique culturelle, "l'égalité" — abstraction faite de ses indispensables composantes juridiques — produit seulement un sens en tant que catégorie aristocratique ou méritocratique : chacune et chacun doit avoir le droit de faire partie des meilleurs. L'égalité signifie qu'on ne peut dénier à aucun être humaine le droit de se surprendre, lui-même et son entourage, par des gestes généreux.

 

  Quand le pouvoir, à l’avenir, ne sera en soi plus rien d’autre que le compromis toujours précaire et constamment provisoire entre des partis hautement équipés en rhétorique, avec des conceptions d’une divergence inconciliable sur le légitime et l’illégitime,

la situation démocratique ne pourra plus être trop loin, pour autant que l’on considère la démocratie, sous l’angle procédural, comme un système d’écluses régulant l’afflux chronique des facteurs de pouvoir jadis illégitimes et placés sous tutelle — « émanant »

le plus souvent de catégories sous-représentées sur le plan politique — sur le terrain de jeu des acteurs capables d’établir un programme.

 

Le moment ou le processus de civilisation de l’Occident et des régions du monde placées sous son influence échappe, par torsion, à l’ordonnancement de la légitimation culturelle par filiation et succession héréditaire — dominée par des lignées masculines, enrichie de manière subversive par les inusables magies mères-filles —, ce moment, donc, tourne autour de deux pivots : d’une part, la propagation progressive de l’affect antigénéalogique dont l’histoire récente est largement comparable, du point de vue de l’extension, avec le déploiement de l’« individualisme » de style euro-américain — nous l’avons montré, les multiples courants du christianisme mystique et protestant du début des Temps modernes y ont contribué ; et d’autre part, la pression inventive de strates toujours plus larges de la « société » européenne et de ses successeurs coloniaux et postcoloniaux en vue d’obtenir un libre accès aux positions de pouvoir et d’influence — ce qui eut pour conséquence une révolution permanente des ambitions au nom de l’« égalité des droits », animée par des énergies de friction qui apparaissent lors de la confrontation directe entre désavantagés et avantagés dans un espace de comparaison restreint. La « condition moderne » fait alors valoir ses droits en entraînant une mise en réseau médiale intensive des irritations chroniques, sur la base de condensations progressives de l'espace de comparaison.

 

   On n'aura pas d'activité croissante des « serviteurs de l'Etat », dans des cultures incapables de faire Etat, sans explosion de la corruption — et sans les plaintes qui se multiplient en parallèle. En tant que garants de la corruption, la majorité des Etats-nations,

établis ou improvisés, feront du XXIe siècle ce qu'il aura été du point de vue du XXIIe. Ils préparent leur échec, celui qu'on leur reprochera si les bilans étaient un jour révélés au grand jour.
   On ne peut trancher, jusqu'à nouvel ordre, sur la question de savoir si la figure finale, dans le grand tout, respecte plutôt la volonté de prolongement à moyen terme ou le penchant vers une consommation finale du type feu d'artifice, dans l'ici et le maintenant.
L'option en faveur du prolongement à moyen terme est aujourd'hui codée, dans le monde entier, sous la notion de sustainability (durabilité) — un mot qui, issu du langage de l’économie forestière allemande au XIXe siecle, a accédé au rang de formule autohypnotique dans le discours mondial sur l’économie et la politique. Des enquêtes effectuées tout récemment parmi les experts en processus des diverses disciplines à propos des horizons temporels supposés des processus « durables » ont montré que, du point de vue actuel on évalue à une durée de cinquante ans le minimum des attentes de durabilité, et le maximum à une période de deux cents ans. Cela confirme ce que l’on n'aurait pas admis sans motif fort : l’asymétrie entre la conscience du passé et l’attente du futur dans « notre temps présent large » pour employer l’expression de Gumbrecht, a atteint des dimensions invivables.

 

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le style de Sloterdijk, qui relève à mon avis d'une esthétique alambiquée de la causticité

 

Tu viens de définir le style de la philosophie postmoderne. Une espèce d’immense hémorragie de la rationalité du discours, que les intéressés essayent de faire passer pour un grandiose parti pris esthétique.

 

Ce qu'on appelle l'égalitarisme dans les discours actuels peut facilement être reconnu, rétrospectivement, dans ses débuts plus concrets, comme l'offensive des bâtards et d'autres porteurs de handicaps héréditaires contre le système établi de discriminations consolidés par le droit. Si l'on écoute attentivement l'expression "égalité des droits", on y percevra des chœurs de ressentiment et d'amertume. On a pratiquement toujours interprété l'impératif d'égalité comme principe de rabaissement commun vers des conditions minimales, à seuils bas, de la vie sociale, alors que la dynamique élévatrice des événements restait sous-exposée. On n'a presque jamais compris, ni parmi les juristes, ni a fortiori parmi les politiciens, que du point de vue de la dynamique culturelle, "l'égalité" — abstraction faite de ses indispensables composantes juridiques — produit seulement un sens en tant que catégorie aristocratique ou méritocratique : chacune et chacun doit avoir le droit de faire partie des meilleurs.

 

Putain mais quel sous-nietzschéisme...

 

L'égalité signifie qu'on ne peut dénier à aucun être humaine le droit de se surprendre, lui-même et son entourage, par des gestes généreux.

 

Ce moment où tu comprends que les trois quarts des philosophes contemporains sont justes de putains de sophistes.

Après je n'ai rien contre cette écriture provocatrice et totalement hallucinée (Anthony de Jasay est capable d'écrire un peu comme ça à l'occasion), mais 1): qu'on cesse de prendre ce genre de guignols au sérieux ; 2): qu'ils fassent ça sur leur temps libre si ça leur chante, mais pas avec l'argent de nos impôts.

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 Tu viens de définir le style de la philosophie postmoderne. 

 

Putain mais quel sous-nietzschéisme...

 

Ce moment où tu comprends que les trois quarts des philosophes contemporains sont justes de putains de sophistes.

Après je n'ai rien contre cette écriture provocatrice et totalement hallucinée (Anthony de Jasay est capable d'écrire un peu comme ça à l'occasion), mais 1): qu'on cesse de prendre ce genre de guignols au sérieux ; 2): qu'ils fassent ça sur leur temps libre si ça leur chante, mais pas avec l'argent de nos impôts.

 

Il y a certainement des points communs stylistiques, des filiations et des cousinages, mais classer Sloterdijk dans les post-modernes serait un peu réducteur... Dans Après nous le déluge, le post-modernisme philosophique, au sens grosso modo de l'attitude "déconstructive", est précisément l'un des objets étudiés par l'auteur.

 

La question du dernier homme et du surhomme est bien entendu aussi abordée par Sloterdijk. Difficile de ne pas parler de Nietzsche dans un essai sur la question de la transmission et de sa rupture. Ce sont surtout les pages de la Généalogie de la morale et celles moins connues de Aurore qu'ils me semblent intéressant de connaître pour apprécier la lecture qu'en fait Sloterdijk dans Après nous le déluge

 

Je précise que le terme "bâtard" est souvent employé dans l'ouvrage, sans aucun jugement de valeur. Ce n'est pas pour un effet de style ou pour provoquer. La question du bâtardisme est tout simplement essentielle pour comprendre la dynamique des mécanismes de transmission généalogique dans l'histoire des sociétés occidentales. Sloterdijk l'aborde sous tous les angles, que cela soit à travers l'analyse des successions féodales ou des motifs narratifs chez Shakespeare.

 

Par ailleurs, quand Sloterdijk parle de l'égalité et de son lien avec la générosité, il faut se rappeler ce qu'il a écrit dans Repenser l'impôt (cf. https://www.contrepoints.org/2012/03/24/74481-peter-sloterdijk-contre-la-fiscocratie-ou-repenser-limpot). L'éthique démocratique du don n'est pas de sa part un vain jeu de mot sophiste mais une véritable thèse qu'il défend.

 

Ce n'est donc pas trop par là que je critiquerais l'auteur. Il y a du fond derrière, qu'il a développé dans un ouvrage antérieur.

 

Dans les passages que j'ai cités, celui qui me paraît le plus faible est celui sur les prévisions de durabilité. Si j'avais l'occasion d'interroger Sloterdijk, j'aimerais poliment "attaquer" de ce côté parce que ça manque de développement à mon avis.

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C'est vrai qu'il aurait sa place dans le thread des salades de mots :mrgreen:

 

J'ai pensé au thread en sélectionnant mes citations, j'avoue. :mrgreen:

 

Ma préférée dans le style est celle sur la "torsion de l’ordonnancement de la légitimation culturelle".

 

Le truc, c'est que c'est probablement beaucoup plus synthétique en allemand. Traduire les philosophes germains dans la langue de Camus, c'est loin d'être évident...

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Franchement je sais même pas comment vous faites pour lire des trucs pareils. La simple profusion de mots trop longs et de fantaisies syntaxiques devrait suffire à disqualifier le penseur

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Franchement je sais même pas comment vous faites pour lire des trucs pareils. La simple profusion de mots trop longs et de fantaisies syntaxiques devrait suffire à disqualifier le penseur

 

Si je peux me permettre ce pinaillage, je ne vois pas beaucoup de mots "trop longs" et certainement pas de "fantaisies syntaxiques" chez Sloterdijk. Mais je suis bien d'accord qu'entre la densité du contenu et la complexité de la forme, c'est une écriture qui impose une lecture "active". Le fait d'avoir internet pour vérifier à la volée une référence ou une étymologie est vraiment une bénédiction quand je me lance à l'assaut d'un ouvrage de Sloterdijk. Mais j'y prends beaucoup de plaisir. J'adore découvrir des mots que je ne connaissais pas, abandonner l'idée de tout comprendre d'un commentaire sur l'essai jamais traduit d'un idéaliste allemand, relire trois fois un passage pour soudain découvrir un fil conducteur qui m'avait manqué... Dans ce tableau, les fioritures et les métaphores inattendues m'apparaissent plutôt comme des petits moments de légèreté qui permettent de relâcher la tension au terme d'un développement.

 

Et puis si on ne lisait que les textes à la langue limpide, on aurait oublié tout un pan de la philosophie allemande, ne serait-ce que Kant. Kant, p...n.

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Si je peux me permettre ce pinaillage, je ne vois pas beaucoup de mots "trop longs" et certainement pas de "fantaisies syntaxiques" chez Sloterdijk.

Hé bah je sais pas ce qu'il te faut vu les extraits que t'as posté

Mais je suis bien d'accord qu'entre la densité du contenu et la complexité de la forme, c'est une écriture qui impose une lecture "active". Le fait d'avoir internet pour vérifier à la volée une référence ou une étymologie est vraiment une bénédiction quand je me lance à l'assaut d'un ouvrage de Sloterdijk. Mais j'y prends beaucoup de plaisir. J'adore découvrir des mots que je ne connaissais pas, abandonner l'idée de tout comprendre d'un commentaire sur l'essai jamais traduit d'un idéaliste allemand, relire trois fois un passage pour soudain découvrir un fil conducteur qui m'avait manqué... Dans ce tableau, les fioritures et les métaphores inattendues m'apparaissent plutôt comme des petits moments de légèreté qui permettent de relâcher la tension au terme d'un développement.

Ça m'a surtout l'air d'être de la poudre aux yeux.

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Hé bah je sais pas ce qu'il te faut vu les extraits que t'as posté

 

Ça m'a surtout l'air d'être de la poudre aux yeux.

 

Je ne sais pas ce que tu appelles une fantaisie syntaxique. Pour moi, il s'agit d'une figure de style comme l'anacoluthe ou le zeugma, c'est-à-dire d'une rupture syntaxique, fautive en principe, dont le but est de produire un effet esthétique ou un raccourci frappant. Je n'ai peut-être pas fait attention, mais je n'en ai repéré aucune dans les textes cités.

 

Quand aux mots trop longs, là encore, je ne sais pas trop de quoi tu parles. Bien sûr, il y a des termes comme "socio-révolutionnaire" ou "politico-constitutionnel", mais ce sont en réalité des mots composés et je ne vois pas en quoi ils compliquent la lecture.

 

S'il y a un obstacle à la compréhension, il n'est pas dans la syntaxe ou la longueur des mots, mais plutôt dans l'empan. Et encore, je trouve que la longueur des phrases passe bien grâce à une ponctuation qui ne rechigne pas à l'usage du point-virgule ou du tiret pour compartimenter et hiérarchiser le discours.

 

En somme, je pense que s'il y a des reproches à faire, la construction syntaxique et la longueur des mots n'en font objectivement pas partie.

 

Fondamentalement, je trouve dommage de disqualifier un penseur parce qu'il n'est pas également un styliste, surtout dans une oeuvre qui n'a aucune ambition en matière de vulgarisation et qui sera lue très majoritairement par des universitaires.

 

De la poudre aux yeux, c'est Lacan ou Vers une herméneutique transformative de la gravitation quantique (le canular de Sokal). À mon sens, ce n'est pas le registre de Sloterdijk, qui fournit un travail réellement passionnant et extrêmement original par rapport à la production philosophique moyenne de notre époque. 

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C'est une heuristique simple: ce qui est difficilement énoncé doit être considéré comme mal conçu par défaut

 

La première fois que j'ai lu "agis de façon telle que tu traites l'humanité, aussi bien dans ta personne que dans toute autre, toujours en même temps comme fin, et jamais simplement comme moyen" je n'ai rien compris. Je me suis un peu accroché et je me réjouis aujourd'hui de ne pas avoir rejeté d'emblée l'impératif catégorique au seul motif que son énoncé est quand même vachement mal foutu quand on n'est pas habitué au langage philosophique.

 

À l'inverse, il y a des âneries qui s'énoncent très facilement, du genre "il n'y a qu'à prendre l'argent là où il est". Même si tu es le meilleur pédagogue du monde, habité par les mânes de Bastiat et de Rothbard, tu réfutation ne rivalisera jamais en simplicité avec cette fausse évidence.

 

Avec ton heuristique, tous les sophismes économiques bénéficient d'une présomption de validité. Et je pense que c'est valable dans bien d'autres domaines que l'économie.

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Avec ton heuristique, tous les sophismes économiques bénéficient d'une présomption de validité. Et je pense que c'est valable dans bien d'autres domaines que l'économie.

Non. Ce que tu viens de dire est un sophisme

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Non. Ce que tu viens de dire est un sophisme

 

Tu n'as pas daigné exposer quelles sont les "fantaisies syntaxiques" qui caractérisent selon toi les extraits cités. En m'en tenant à une heuristique simple, j'imagine donc qu'il est vain d'espérer plus d'argumentation cette fois.

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Tu n'as pas daigné exposer quelles sont les "fantaisies syntaxiques" qui caractérisent selon toi les extraits cités. En m'en tenant à une heuristique simple, j'imagine donc qu'il est vain d'espérer plus d'argumentation cette fois.

Le fait de dire que ce qui est mal énoncé doit par défaut être considéré comme mal conçu ne veut pas dire que ce qui est énoncé simplement est forcément bien pensé.

Tu as insinué pourtant que c'était le pendant de mon message.

C'était donc bien un sophisme.

http://www.youth.ly/wp-content/uploads/2013/11/202191RKERGB75-e1384804892369-620x320.jpg

Your move

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Y fo pa utiliser des mots trop compliqués avec les 1992.

Il y a une différence entre utiliser des mots compliqués et écrire des choses de manière inutilement complexe. Y a qu'à lire Mises pour s'en rendre compte.

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Le fait de dire que ce qui est mal énoncé doit par défaut être considéré comme mal conçu ne veut pas dire que ce qui est énoncé simplement est forcément bien pensé.

Tu as insinué pourtant que c'était le pendant de mon message.

C'était donc bien un sophisme.

http://www.youth.ly/wp-content/uploads/2013/11/202191RKERGB75-e1384804892369-620x320.jpg

Your move

 

Un homme de paille a dit "ce qui est énoncé simplement est forcément bien pensé". Pas moi. J'ai parlé d'une présomption.

 

Tu dis que le caractère "difficile" d'un énoncé devrait entraîner "par défaut" le jugement que cet énoncé résulte d'une mauvais conception. Il ne s'agit pas d'un jugement définitif puisque tu décris ce processus de pensée comme une catégorisation "par défaut". Autrement dit, pour toi, une présomption d'invalidité du raisonnement naît d'une caractéristique de son énoncé (caractéristique qui relève notablement d'un jugement esthétique, en proie donc à la subjectivité, mais passons).

 

Si cette caractéristique est absente, il n'y a donc pas de présomption d'invalidité, toutes choses étant égales par ailleurs. Toujours dans l'hypothèse d'un jugement "par défaut" et ceteris paribus, un énoncé "non-difficile" selon tes critères peut alors être l'objet soit d'une réception neutre, soit d'un préjugé plus ou moins favorable. Toujours ceteris paribus, un énoncé "non-difficile" selon tes critères bénéficie "par défaut" d'une meilleure réception qu'un énoncé "difficile".

 

Bref, c'est une préconception et comme tout raccourci de la pensée, elle découle largement de notre expérience. Pour qui a été exposé précocement à Lacan et Pascal, pour prendre deux extrêmes, et a exercé correctement sa faculté de penser, il sera sain de former l'opinion qu'a priori, un langage hermétique est un indicateur de foutage de gueule. Cela n'empêchera pas de se montrer curieux à l'occasion. On peut prendre du plaisir à explorer ce territoire de nos a priori négatifs. Si la première impression se confirme, on se félicitera de la pertinence en l'espèce de notre préconception. Mais qui sait, l'a posteriori peut s'avérer une découverte d'autant plus belle que notre intuition en a été déjouée.

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Un homme de paille a dit "ce qui est énoncé simplement est forcément bien pensé". Pas moi. J'ai parlé d'une présomption.

Ce qui ne change rien. Ça reste faux, ce que tu as déduit de ce que j'ai dit n'y étais pas.

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Ce qui ne change rien. Ça reste faux, ce que tu as déduit de ce que j'ai dit n'y étais pas.

 

Si tu le dis. Revenons-en alors à ce que tu as écrit : "ce qui est difficilement énoncé doit être considéré comme mal conçu par défaut".

 

Je pense que c'est une maxime néfaste. La "difficulté" de l'énoncé est une notion non seulement subjective, compte tenu de tes moyens intellectuels et de tes inclinations esthétiques, mais aussi relative, au regard de l'objet même du discours. C'est une boussole qui t'indique la température en décimètres. Un séduisant fétiche, mais pas un instrument de mesure.

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Rudolf Rocker.

Rocker a été un théoricien important de l'anarchosyndicalysme dans l'entre deux guerre, sa pensée à évolué jusqu'à être considéré comme un libéral radical.

Il y a un , je crois, bon résumé de son maître ouvrage " nationalisme et culture" sur le site "non fides".

Cela vous interressera peut être de connaître un auteur qui considérait l'anarchisme comme l'executeur testamentaire du libéralisme classique.

Exilé au USA il a aussi commis "pioneer's of American freedom" où il mêle les grand liberaux americain et les anarchistes comme Tucker par exemple.

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