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Sinon, sur le libéralisme et la tradition rad-soc de la IIIe, il y a un chapitre sur le sujet dans Le Grand Méchant marché de Thesmar et Landier.

Oui, brillante idée. De mémoire le chapitre n'est pas très fouillé, mais les auteurs citent sérieusement de bonnes références.

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Ama : jette un oeil (si tu peux) sur le livre de J Julliard sur les gauches françaises : il y a un chapitre consacré au moment libéral dans le système institutionnel français (qui commence avec la restauration). Tu trouveras pas mal de choses dans le livre d'O Dard, en particulier sur l'influence (courte) du libéralisme sur la droite française à partir des années 1980 (la contribution de J Perrier).

Merci beaucoup. Quand tu parles de Dard, tu parles de Histoire de l'Europe libérale : Libéraux et libéralisme en Europe au XVIIIe-XXIe siècle (Dominique Barjot, Olivier Dard, frédéric Fogacci et Jérôme Grondeux) évoqué plus haut ?

 

Sinon, sur le libéralisme et la tradition rad-soc de la IIIe, il y a un chapitre sur le sujet dans Le Grand Méchant marché de Thesmar et Landier.

et merci !

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Merci beaucoup. Quand tu parles de Dard, tu parles de Histoire de l'Europe libérale : Libéraux et libéralisme en Europe au XVIIIe-XXIe siècle (Dominique Barjot, Olivier Dard, frédéric Fogacci et Jérôme Grondeux) évoqué plus haut ?

 

et merci !

 

Oui, attends, je jette un oeil dedans... en fait, je crois qu'il y a tout ce qui te faut dans ce bouquin : il y a même une partie consacrée aux relations libéraux/partis politiques et un article sur les liens libéraux/partis depuis 1898 (je n'ai pas lu cette partie là encore, j'ai sélectionné ce qui m'intéressait).

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La langue des médias : destruction du langage et fabrication du consentement, Ingrid Riocreux, 2016

 

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Agrégée de lettres, Ingrid Riocreux décrypte ceux qui se prétendent "décrypteurs", les journalistes. De manière méthodique et fouillée, elle analyse l'outil de travail de cette corporation, le langage parlé comme écrit, en partant de la forme (fautes de français, défauts de prononciations...) pour finir sur le fond (mimétisme, biais idéologiques...). Les conclusions qu'elle en tire ne surprendront bien sûr personne sur ce forum, mais la démonstration vaut le détour.

 

Les auteurs libéraux ont depuis longtemps analysé l'origine des préjugés constructivistes des journalistes, et plus généralement des milieux dits "intellectuels" (je pense notamment à La mentalité anticapitaliste, Ludwig von Mises, 1956). Ingrid Riocreux s'intéresse elle aux préjugés progressistes sur des sujets comme l'immigration, la famille, l'identité de genre, etc.

 

L'ouvrage n'est terni que par un seule allusion, totalement incongrue, au caractère néfaste du libéralisme. Ce passage m'a surpris, car même si j'imagine qu'Ingrid Riocreux est plutôt conservatrice, elle fait preuve généralement d'une grande neutralité axiologique. Appelons ça un "dérapage" en bon langage journalistique.

 

Cet ouvrage m'a conforté dans l'idée que les journalistes, et de manière élargie le monde de la "culture officielle", constituent aujourd'hui en France la forme contemporaine du clergé. Une caste isolée du reste de la société, caractérisée par un conformisme grégaire et un esprit de "mission", dont la fonction est en définitive de préserver l'ordre établi, notamment par l'inquisition et la traque des déviants (libertins hier, "néo-réacs" ou "ultra-libéraux" aujourd'hui).

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Le crépuscule de la France d'en haut, Christophe Guilluy, 2016

 

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Les plus :

  • c'est court ;

 

  • les passages où l'auteur se concentre sur son domaine de compétence, la géographie, ne sont pas mauvais : la thèse de l'invisibilité des territoires périphériques, par exemple, est digne d'intérêt. Les problématiques de ces territoires sont bien décrites, sinon analysées.

Le moins :

  • tout le reste. C'est indigent à en pleurer ou à en mourir de rire, au choix. Retenez par exemple que pour Guilluy, les prix de l'immobilier sont fixés par la loi du marché en France. Attendez vous à des diatribes contre le méchant turbo-libéralisme anglo-saxon qui détruit le gentil modèle égalitaire français toutes les pages. Ou plutôt, ne lisez pas ce livre.  

 

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La langue des médias : destruction du langage et fabrication du consentement, Ingrid Riocreux, 2016

 

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Agrégée de lettres, Ingrid Riocreux décrypte ceux qui se prétendent "décrypteurs", les journalistes. De manière méthodique et fouillée, elle analyse l'outil de travail de cette corporation, le langage parlé comme écrit, en partant de la forme (fautes de français, défauts de prononciations...) pour finir sur le fond (mimétisme, biais idéologiques...). Les conclusions qu'elle en tire ne surprendront bien sûr personne sur ce forum, mais la démonstration vaut le détour.

 

Les auteurs libéraux ont depuis longtemps analysé l'origine des préjugés constructivistes des journalistes, et plus généralement des milieux dits "intellectuels" (je pense notamment à La mentalité anticapitaliste, Ludwig von Mises, 1956). Ingrid Riocreux s'intéresse elle aux préjugés progressistes sur des sujets comme l'immigration, la famille, l'identité de genre, etc.

 

L'ouvrage n'est terni que par un seule allusion, totalement incongrue, au caractère néfaste du libéralisme. Ce passage m'a surpris, car même si j'imagine qu'Ingrid Riocreux est plutôt conservatrice, elle fait preuve généralement d'une grande neutralité axiologique. Appelons ça un "dérapage" en bon langage journalistique.

 

Cet ouvrage m'a conforté dans l'idée que les journalistes, et de manière élargie le monde de la "culture officielle", constituent aujourd'hui en France la forme contemporaine du clergé. Une caste isolée du reste de la société, caractérisée par un conformisme grégaire et un esprit de "mission", dont la fonction est en définitive de préserver l'ordre établi, notamment par l'inquisition et la traque des déviants (libertins hier, "néo-réacs" ou "ultra-libéraux" aujourd'hui).

 

Je confirme, à lire absolument (même Monsieur Le Chien en a fait la promotion !! ^^)

 

Concernant le "dérapage" sur le libéralisme, on peut en relever au moins dans quasiment n'importe quel ouvrage d'un auteur ne se déclarant pas lui-même "libéral"... Il faut juste faire avec, reconnaître et accepter cette distorsion sémantique. preuve que le langage est déjà suffisament détruit... Ensuite, même si "le terme est beau, il renvoie à la liberté" comme le dit Salin, il va peut-être un jour falloir réellement s'attacher aux idées, peu importe le nom que leur donnera à ce moment là !! ; )

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Super intéressant, merci !

 

Je mets un bémol sur l'analyse de Mises dans La mentalité anticapitaliste, c'est bourré de procès d'intention et de sociologie/psychologie de bistrot.

 

C'est vrai que ça se lit comme un pamphlet. Ce n'est pas l'Action humaine

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La langue des médias : destruction du langage et fabrication du consentement, Ingrid Riocreux, 2016

 

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Mon père l'a lu, et il en pense le plus grand bien. :)
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Concernant le "dérapage" sur le libéralisme, on peut en relever au moins dans quasiment n'importe quel ouvrage d'un auteur ne se déclarant pas lui-même "libéral"... Il faut juste faire avec, reconnaître et accepter cette distorsion sémantique. preuve que le langage est déjà suffisament détruit...

 

Ou preuve que l'intelligentsia française est massivement anti-libérale (ce n'est pas nouveau). On ne peut pas présumer du fait que tous les antilibéraux ne comprennent pas de quoi ils parlent.

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- George Séféris Poèmes.

Des passages magnifiques, des chants d'allégresse de toute beauté qui vous font sentir la plénitude divine. Notre âme se plait, se mue à chaque mot prononcer par Séféris. George Séféris fait partie de ces auteurs qui cultive la bonté et l'Amour dans le coeur de son lecteur. Ainsi, il faut que notre âme soit prête pour pouvoir être touché.

 

Je souhaiterai ouvrir un fil où on pourrait partager des passages qui laisse une trace indélébile sur notre âme. Des images qui mêle le regard mélancolique d'un homme, des paysages époustouflante de beauté, et de sensations.

J'aimerai savoir si il y a des personnes qui serait prêt à ouvrir ce fil vu que je dans l'impossibilité d'en créer un.

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- Maurice Barrès :La colline inspirée

 

Une oeuvre bouleversante; l'histoire de trois frères (Les baillard) qui souhaitent rétablir une "magistrature spirituelle dans leurs pays" face à une religion chrétienne tombé "dans un rationalisme indigne". Je ne m'appesantirai pas à faire une synthèse de l'histoire. https://fr.wikipedia.org/wiki/La_Colline_inspirée Mais je vais  livrer mes impressions sur le style d'écriture de Maurice Barrès.

 

Juste un extrait : 

 

" (...) Il est des lieux qui tirent l'âme de sa léthargie, des lieux enveloppes, baignés de mystère, élus de toute éternité pour être le siège de l'émotion religieuse. (...) Tout l'être s'émeut, depuis ses racines les plus profondes jusqu'à ses sommets les plus hauts. C'est le sentiment religieux qui nous envahit. Il ébranle toutes nos forces. (...)  

 

Illustres ou inconnus, oubliés ou à naître, de tels lieux nous entraînent, nous font admettre insensiblement un ordre de faits supérieurs à ceux où tourne à l’ordinaire notre vie. Ils nous disposent à connaître un sens de l’existence plus secret que celui qui nous est familier, et, sans rien nous expliquer, ils nous communiquent une interprétation religieuse de notre destinée. Ces influences longuement soutenues produiraient d’elles-mêmes des vies rythmées et vigoureuses, franches et nobles comme des poèmes. Il semble que, chargées d’une mission spéciale, ces terres doivent intervenir, d’une manière irrégulière et selon les circonstances, pour former des êtres supérieurs et favoriser les hautes idées, morales. C’est là que notre nature produit avec aisance sa meilleure poésie, la poésie des grandes croyances. Un rationalisme indigne de son nom veut ignorer ces endroits souverains. Comme si la raison pouvait mépriser aucun fait d’expérience ! Seuls des yeux distraits ou trop faibles ne distinguent pas les feux de ces éternels buissons ardents. Pour l’âme, de tels espaces sont des puissances comme la beauté ou le génie. Elle ne peut les approcher sans les reconnaître. Il y a des lieux où souffle l’esprit.(...)

 
En automne, la colline est bleue sous un grand ciel ardoisé, dans une atmosphère pénétrée par une douce lumière d’un jaune mirabelle. J’aime y monter par les jours dorés de septembre et me réjouir là-haut du silence, des heures unies, d’un ciel immense où glissent les nuages et d’un vent perpétuel qui nous frappe de sa masse.
Une église, un monastère, une auberge qui n’a de clients que les jours de pèlerinage, occupent l’une des cornes du croissant ; à l’autre extrémité, le pauvre village de Vaudémont, avec les deux aiguilles de son clocher et de sa tour, se meurt dans les débris romains et féodaux de son passé légendaire, petit point très net et prodigieusement isolé dans un grand paysage de ciel et de terre. Au creux, et pour ainsi dire au cœur de cette colline circulaire, un troisième village, Saxon, rassemble ses trente maisons aux toits brunâtres qui possèdent là tous leurs moyens de vivre : champs, vignes, vergers, chènevières et carrés de légumes. Sur la hauteur, c’est un plateau, une promenade de moins de deux heures à travers des chaumes et des petits bois, que la vue embrasse et dépasse pour jouir d’un immense horizon et de l'air le plus pur.
Mais ce qui vit sur la colline ne compte guère et ne fait rien qu’approfondir la solitude et le silence. Ce qui compte et ce qui existe, où que nous menions nos pas en suivant la ligne de faîte, c’est l’horizon et ce vaste paysage de terre et de ciel. 
 
Notre cœur périssable, notre imagination si mouvante s’attachent à ce coteau d’éternité. Nos sentiments y rejoignent ceux de nos prédécesseurs, s’en accroissent et croient y trouver une sorte de perpétuité. Il étale sous nos yeux une puissante continuité, des mœurs, des occupations d’une médiocrité éternelle ; il nous remet dans la pensée notre asservissement à toutes les fatalités, cependant qu’il dresse au-dessus de nous le château et la chapelle, tous les deux faiseurs d’ordre, l’un dans le domaine de l’action, l’autre dans la pensée et dans la sensibilité. L’horizon qui cerne cette plaine, c’est celui qui cerne toute vie ; il donne une place d’honneur à notre soif d’infini, en même temps qu’il nous rappelle nos limites. 
 
Mais ainsi dénudée, la colline nous propose toujours, au milieu de la plaine, sa vétusté sereine, son large abandon, sa terrasse à demi morte, sa gravité, sa tristesse vaste et nue en hiver, sa force en toute saison, pareille à celle d’une falaise dans la mer, son indifférence à ce que nous pensons d’elle, sa résignation qui ne réclame rien, qui ne prétend même pas à la beauté. Elle demeure, elle reste à sa place, pour être un lieu de recueillement où nous rassemblons nos forces, pour nous remuer d’un pressentiment, nous enlever à l’heure passagère, à nos limites, à nous-mêmes, et nous montrer l’éternel. 
 
Extrait de: Barrès, Maurice (1862-1923). « La colline inspirée (1913). »
 
A ces mots notre âme sent le poids de sa solitude, se recueille, et cherche à ouvrir ses yeux qui ne sauraient plus voir. A ces mots notre âme semble avoir traversé les siècles, les épreuves, les souffrances et les espérances déchues. Une oeuvre qu'il faut lire et relire pour inculquer à notre l'âme l'Amour divin.
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je lis Des femmes qui tombent de Pierre Desproges.
C'est court, c'est simple, c'est beau, c'est intelligent, c'est bien raconté. le seul bémol, c'est que c'est qu'il y a parfois quelques extravagances littéraires.

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Bizarrement, j'ai jamais réussi à terminer ce bouquin de Desproges (bon, faut dire que j'ai tenté de le lire en suivant la conversation entre un petit-fils d'une vahiné de Gauguin qui essayait de refiler une œuvre de sa grand-mère à un chinois dans une auberge miteuse - histoire passionnante dont je ne suis jamais venu à bout :D).

Peut-être le style, mais l'histoire elle-même m'a pas accroché.

 

Là, j'ai fini le Livre I du SdA, traduction de Lauzon, et c'est vraiment bien. Ca passe tout seul !

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Bizarrement, j'ai jamais réussi à terminer ce bouquin de Desproges (bon, faut dire que j'ai tenté de le lire en suivant la conversation entre un petit-fils d'une vahiné de Gauguin qui essayait de refiler une œuvre de sa grand-mère à un chinois dans une auberge miteuse - histoire passionnante dont je ne suis jamais venu à bout :D).

Peut-être le style, mais l'histoire elle-même m'a pas accroché.

 

Là, j'ai fini le Livre I du SdA, traduction de Lauzon, et c'est vraiment bien. Ca passe tout seul !

des femmes qu tombent ?

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J'ai terminé la lecture de La Grande Dissimulation (sous-titre français: L'Histoire de l'UE révélée par les anglais), de Christopher Booker & Richard North.

Les auteurs y retracent l'origine du projet fédéraliste, des années 20 à nos jours. Ils montrent comment les gouvernements nationaux ont laissé grossir le monstre bureaucratique, en partie par idéalisme, en partie pour essayer d'en tirer des avantages subtils. Beaucoup de manœuvres politico-bureaucratiques sont relatées, l'accumulation est assez indigeste à lire, je dois dire (on parle d'un pavé de 820 pages).

Parmi les passages les plus instructifs, j'ai relevé:

-La discrète mais réelle influence américaine en faveur d’une unification politique du continent européen.
-Les raisons du surprenant soutien qu’a apporté de Gaulle, opposant au supranationalisme, à la Politique Agricole Commune (PAC).


celui-là mérite d'être cité in extenso: "On néglige aujourd'hui l'importance pour la France de son agriculture, qui représentait encore, en 1961, 25% des emplois, contre 4% au Royaume-Uni. Dans l'immédiat après-guerre, l'ensemble des pays européens avaient subventionné leur agriculture pour empêcher le retour des dépressions agricoles des années 1930. En France, ce système était devenu un enjeu politique majeur.
Malgré l'essor de la production grâce aux subventions, les prix étaient à la baisse. La viabilité économique des fermes françaises, modestes et peu productives, s'en trouvait menacée. Ce fut le cauchemar des politiciens français: le départ de millions de petits paysans de la campagne pour les villes déjà saturées. Dans un pays où le Parti communiste recevait le plus de suffrages, la prise de pouvoir par les communistes grâce au vote des salariés agricoles n'était pas une simple vue de l'esprit. On ne pouvait même pas exclure une révolution armée. Il était vital pour la survie même de l'Etat que les agriculteurs et leurs familles demeurassent à la campagne.
La IVème République avait subventionné à tout-va, si bien que l'Etat s'acheminait vers la faillite. Les subventions ne faisaient qu'exacerber le problème. Elle poussaient à produire dans des campagnes peu rentables alors que l'augmentation des revenus encourageait l'investissement dans des engins agricoles. En 1950, les Six possédaient 370 000 tracteurs. En 1962, leur nombre se montait à 2 300 000. La production de céréales avait été multipliée par huit. La production de sucre et de vin avait augmenté de 300%. Les stocks augmentaient malgré les subventions à l'exportation.
Au début des années 1960, la production grossissait encore de 20% par an. Onze millions des 24 millions de vaches laitières des Six étaient françaises, alors qu'elles produisaient quatre fois moins de lait que les bêtes hollandaises. Les subventions pour le lait coûtaient à elles seules au contribuables français 1,35 milliards de francs. Des millions servaient à écouler du lait en poudre à bas prix sur les marchés indiens et mexicains. Des sommes encore plus importantes étaient dépensées pour les stocker. La "montagne de beurre" en surplus pesait 200 000 tonnes. La politique agricole française était évidemment insoutenable. Politiquement, elle était cependant essentielle.
Quarante ans plus tard, le professeur américain Andrew Moravcsik étudia l'importance de la question pour l'avenir de la France et de la Communauté européenne. En 1958, les surplus agricoles français étaient problématiques. Toute tentative de réforme se heurterait à l'opposition de l'électorat. Or, le Gouvernement français ne pouvait plus se permettre de telles largesses. Lors d'une réunion de crise en août 1962, de Gaulle indiqua que la "stabilisation" de l'agriculture était "le problème majeur" à résoudre. Sinon, nous "aurons peut-être une nouvelle Algérie sur notre sol".
Deux solutions étaient possibles: trouver de nouveaux marchés à l'export ou capter une source de financement additionnelle pour les subventions. La CEE était dans les deux cas la clé. Il fallait mettre en place une politique agricole donnant aux agriculteurs français accès à des marchés externes et à des financements supplémentaires, notamment allemands. Une telle politique devait avant tout servir les intérêts de la France. Malgré son dédain à l'encontre des institutions supranationales, de Gaulle vit dans la CEE l'instrument essentiel pour accomplir l'intérêt national de la France.
L'idée d'une "Politique agricole commune" trouvait son origine dans le rapport Spaak de 1955. Mais elle se résumait à quelques déclarations vagues et contradictoires. En 1958, une conférence s'était tenue à Stresa en Italie afin de commencer à l'élaborer. Il fallut encore attendre onze ans avant qu'un accord règle épineuse question des arrangements financiers. Cette querelle motiva la France à chercher à faire plier ses partenaires.
En 1960, Sicco Mansholt, commissaire à l'agriculture, produisit un document prévoyant un accord pour fin 1961. Le "plan Mansholt" entendait remplacer l'ensemble des subventions nationales directes par un système de prix de soutien et de taxes variables, sous le contrôle centralisé de la Commission. Pendant deux ans, l'Allemagne le bloqua. Les subventions agricoles allemandes étaient les plus élevées des Six. Toute tentative de rationaliser et d'harmoniser la structure de soutien désavantagerait ses agriculteurs. Le 14 février 1962, selon Hallstein, après "137 heures de discussion, 214 heures de sous-comités, 582 000 pages de documents et 3 crises cardiaques" les Allemands cédèrent et donnèrent à la Pac une existence légale. Les conclusions furent antidatés afin de respecter la date butoir symbolique du 31 décembre.
Il restait à en créer les mécanismes financiers. Sur l'insistance de la France, faiblement importatrice, les taxes sur les biens importés devaient représenter la principale source de revenus. La France joua son jeu avec une subtilité infinie. Ce système obligerait ses partenaires à verser la contribution maximale. L'Angleterre, important sa nourriture du Commonwealth, allait être saignée à blanc par un tel système. Elle serait en outre contrainte de devenir le principal marché à l'exportation des agriculteurs français. Cependant, l'Angleterre, avec la productivité bien plus importante de son secteur agricole, avait des réticences à payer pour l'agriculture française. C'est pourquoi, après 1966, il fut arbitré que les décisions sur l'avenir de la Pac seraient prise au vote à majorité qualifiée.
Si l'Angleterre entrait dans la CEE avant que les arrangements financiers pour la Pac n'aient été fixés, elle risquait d'y soutenir l'Allemagne. Il fallait donc l'en exclure temporairement
." (p.190-194)


-La chute méconnue de Margaret Thatcher sur la question de l’intégration économique et politique à l’UE et l'euro.

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