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Éthique et tac


Messages recommandés

il y a 5 minutes, Rincevent a dit :

Je soupçonne que ça dépende de la traduction. Tu as laquelle / quelle édition ?

 

traduction Richard Bodéüs, GF Flammarion, 2004.

 

Le prof qui nous avait fait cours sur le De Anima a fortement insisté pour qu'on prenne les traductions de Bodéüs. Mais je pense pas que mon ressenti viennent de la traduction. Y a juste tellement de définitions qui te font une belle jambe. Exemple livre II: "La vertu est un état décisionnel qui consiste en une moyenne fixée relativement à nous." (et après tu as 50 à 75% des pages à base de notes pour discuter ce que ça veut dire :huh:).

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Le 23/03/2018 à 23:35, Johnathan R. Razorback a dit :

 

Admettons que ce soit le matérialisme de La Mettrie qui soit vrai, et que la morale ne puisse pas être universelle parce que des agrégats corporels différents ont des besoins différents (je résume à la hache). ça ne réfute pas l'eudémonisme téléologique, ça en limite "seulement" la portée. Entre ceux qui peuvent suivre ces normes et ceux qui par nature ne le peuvent pas, il y aurait alors un état de guerre nécessaire. On aurait pour ainsi dire plusieurs humanités entre lesquels la morale aurait autant de sens qu'entre les bêtes sauvages et nous.

 

Le droit naturel était paraît-il ouvert à cette hypothèse d'un "ennemi par nature" qui pourrait être privé de tout droit. Il y a un bouquin en anglais qui essaye d'expliquer la Terreur révolutionnaire à partir de ça.

 

Je soupçonne ta position d'être un peu crypto-kantienne, comme celle de Rand. S'il y a des normes mêmes lorsque peut-être personne n'est en mesure de les respecter (ce qui est la position de Kant), ça suppose bien que les normes en questions sont quelque chose d'autre qu'un état de fait naturel, non ? Comment conçois tu la téléologie ?

 

Il y a 19 heures, Johnathan R. Razorback a dit :

 

Dis le gars qui dit du bien de celui qui est allé soutenir le tyran de Syracuse :D

 

Naaaaan, il est pas allé le soutenir, il a tenté de le transformer en roi-philosophe ! Ce qui est tout à fait différent d'un tyran ! Mais ça n'a pas marché, certe.


 

Citation

 

Et de Kant qui, en bon politique chrétien, nie le droit de résistance à l'oppression.

« Kant, on le sait, ne reconnaissait pas aux individus le droit à la résistance au pouvoir politique, et à cet égard il se situe en deçà non seulement de Locke mais aussi de Hobbes. Ce dernier, s'il n'accorde pas à l'individu le droit à la rébellion, permet quand même d'entrevoir la possibilité que le pouvoir, mettant en danger la vie de l'individu, perde sa raison d'être et donc sa légitimité, et finisse par se décomposer, ce qui est une autre façon d'ouvrir une petite porte à la révolte. Kant sur ce point repousse les prémisses de l'école des droits naturels. Un droit à la révolte est pour lui une contradiction dans les termes. Bien plus, il est interdit au citoyen de poser la question de l'origine légitime ou non du système politique en place. Nietzsche devait lui reprocher durement ce conformisme propre aux intellectuels. »

-Zeev Sternhell, Les anti-Lumières. Une tradition du XVIIIème siècle à la guerre froide. Saint-Amand, Gallimard, coll. Folio histoire, 2010, 945 pages, p.106-107.

 

Oui, et tu as tout le Qu'est-ce que les lumières ? aussi, qui après son éloge de la liberté de pensée et de l'autonomie, t'explique que tu dois quand même rester dans le rang... Je ne vais pas essayer non plus de faire passer Kant pour un parfait libéral. Mais je trouve difficile d'être libéral sans être au moins un tout petit peu kantien (ou alors, en étant un opportuniste utilitariste).

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Il y a 2 heures, Mégille a dit :

1): Je soupçonne ta position d'être un peu crypto-kantienne, comme celle de Rand.

 

2): S'il y a des normes mêmes lorsque peut-être personne n'est en mesure de les respecter 

 

3): Comment conçois tu la téléologie ?

 

1): Que nenni. On peut trouver des similitudes superficielles entre tout et n'importe quoi (ex: Kant et Sade sont d'accord pour dire que le meilleur gouvernement est "républicain"... Sauf que pour le premier ça exclut le suffrage universel...). L'important c'est l'ordre des raisons.

 

2): Ce n'est point ce que j'ai dis. J'ai examiné l'hypothèse suivant laquelle les normes morales ne peuvent pas universelles (ce qui semble être l'opinion de Nietzsche). Mais même dans une hypothèse aussi contrariante, ça n'exclut pas qu'une morale eudémoniste soit appropriée pour certaines personnes. Des normes que personne ne peut suivre ("vide l'océan à la petite cuillère deux fois par semaine") ne sont pas morales ; ce ne sont même pas des normes, c'est du bruit avec la bouche.

 

S'agissant de la méthode pour trouver des normes morales, je considère que l'improbabilité qu'elles soient suivies peut être un bon indice de leur non-moralité. Une norme morale (ou du moins la majorité d'entre elles) ne devrait pas présupposer qu'elle s'adresse à un individu spécialement vertueux ou héroïque. (Ceci est problématique pour le statut moral de l'héroïsme, mais c'est un autre point).

 

3): Pour aller jusqu'au fond de la question il faudrait une philosophie de la vie, ce qui dépasse mes compétences. Car le vivant, ou du moins l'animal, agit et cherche donc aller vers un état de satisfaction supérieure. A la limite ça me semble raisonnable de poser que l'animal aussi recherche le bonheur, mais à condition de préciser que son bonheur propre n'a ni le même contenu ni les mêmes conditions que le bonheur humain.

 

Le problème de supposer une tendance interne du vivant vers l' "harmonie" (https://fr.wikipedia.org/wiki/Homéostasie ) , c'est que cela minore ou annule l'importance que j'ai accordé à la volonté pour justifier que l'Homme aurait un télos (lui et pas le reste de la nature). Donc je ne sais pas vraiment. J'approuve les remarques d'Aristote, Épicure, Pascal, Jefferson, etc (et même Kant, peut-être)., sur la tendance nécessaire de l'Homme à rechercher le bonheur. Je ne sais pas expliquer pourquoi il en est ainsi. A la limite, du moment que ce point n'est pas réfuté, ça ne m'intéresse pas spécialement. Ce qui m'intéresse est ce qu'on peut déduire à partir de ce fondement (si c'est est un. Auquel cas ne pas pouvoir apporter d'explications n'est peut-être pas dramatique: « Un fondement ne se justifie pas, sinon il cesse d’être un fondement. » -Julien Freund, L’Essence du politique, p.104).

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il y a une heure, Johnathan R. Razorback a dit :

A la limite ça me semble raisonnable de poser que l'animal aussi recherche le bonheur, mais à condition de préciser que son bonheur propre n'a ni le même contenu ni les mêmes conditions que le bonheur humain.

 

On peut aller ama encore 1 ou 2 crans plus loin :

“On the contrary, I am just saying that from the perspective of the physics, you might call Darwinian evolution a special case of a more general phenomenon.” - Jeremy England

 

Le bonheur étant juste l'appellation humaine de la recherche d'optimum d'entropie physique. (ce qui me semble tout à fait sensé/plausible).

 

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il y a 11 minutes, Rübezahl a dit :

Le bonheur étant juste l'appellation humaine de la recherche d'optimum d'entropie physique. (ce qui me semble tout à fait sensé/plausible).

 

Moui, quand les philosophes se mettent à parler entropie ou physique, le résultat n'est d'ordinaire guère brillant (euphémisme): http://oratio-obscura.blogspot.fr/2016/05/une-fable-postmoderne-de-jean-francois.html

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Merci pour ces éclaircissements, @Johnathan R. Razorback !

Je laisse un peu la question de la téléologie, derrière laquelle on dirait qu'il y a pas mal de difficultés, en effet. Considères-tu que la philosophie morale devrait/pourrait être remplacé par une science de l'homme ? Par exemple, la psychologie positive, qui se veut être une science du bonheur ? Il me semble que c'est là où mène ta pensée. J'ai personnellement plusieurs problèmes avec ça.

Outre le problème du manque d'universalité (celui des fous, constitués différemment, qui auraient donc une autre morale, n'impliquant pas de respecter les droits des autres), et le problème de mettre sur le même plan des injonctions du genre "tu ne dois pas voler" et "tu ne dois pas manger trop de sucre", il y a ce bon vieux problème is/ought, que je ne crois pas être fallacieux. Admettons que l'on fasse une science exacte du bonheur, et que l'on en dérive une technologie du bonheur très fiable (nous pouvons même imaginer que nous avons la chance de la voir coïncider avec le respect de la liberté des autres -ce qui n'est pas donné d'avance). Nous pouvons à partir de là très bien imaginer qu'un type, un genre de nietzschéen, nous dise "je m'en fiche de votre bonheur, c'est un truc de faible, etc", et qu'il décide de prendre à contre-pied toutes nos recommandations. Pourrons nous lui dire "tu devrais pas faire ça" ? Je ne crois pas, puisque nos injonctions seront subordonnées à la recherche d'une fin qu'il n'accepte pas.

Imaginons maintenant que notre science de l'homme nous permettre de décrire mécaniquement la cause de chacune de ses actions. Est-ce que ça nous permettrait d'établir qu'il cherche le bonheur, et qu'il s'y prend mal ? (légitimant notre discours prescriptif à son adresse) Je n'en suis pas sûr non plus. Bon, on en revient au problème de la téléologie, en fait, mais ce que je vois est que de toute façon, une telle science descriptive du comportement humain devrait décrire les comportements "incorrects" aussi bien que les comportements "corrects", et ne permettrait pas de prescrire de "bons" choix de vie.

 

Une façon de résoudre ce problème, (ou plutôt, de le contourner de façon à première vue pas si inacceptable) serait une analogie avec la médecine. Les sciences du corps humains te décrivent les fonctionnements sains aussi bien que les fonctionnements pathologiques des parties de ton corps, et l'art médical se retrouve tout de même en mesure de dire ce qui est la santé et ce qui est l'état anormal, à corriger. On pourrait alors concevoir que notre science totale de l'homme puisse mener à une "médecine totale" en guise de technologie, qui pourrait te prescrire les bonnes choses à faire pour être heureux. Mais alors, outre le problème de ce saut du descriptif au prescriptif dans la médecine qui reste toujours non-élucidé, se poserait encore cet autre problème, déjà évoqué, et de façon encore plus vive : un petit larcin, que l'on aurait commis avec suffisamment d'adresse pour ne pas risquer de se faire pincer, et suite auquel on éprouverait très peu de remord, relèverait du même type de "faute" que quelques verres d'alcool bu en trop, voir même, qu'une angine ou un petit rhume. Et ce, quel que soit le mal fait à autrui par ledit larcin.

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Le 23-3-2018 à 16:47, ttoinou a dit :

:icon_violent:

 

Le prix moyen du pétrole baisse c'est un problème ?

J'ai soutenu, que par exemple le PIB est un indicateur. Il est bon pour indiquer le développement de la conjoncture. Il y a un siècle, on utilisait encore des indicateurs primitifs, tels que l'indice des prix, la taille de la production dans quelques branches d'activité, ou le coefficient d'occupation des facteurs de production. Le PIB est un indice composé, et il synthétise les fluctuations des indices primitifs. Dans la politique, on a besoin de tels indicateurs, qui quantifient le développement. C'est vrai, qu'un indice est toujours artificielle, et il peut être remplacé par un autre. L'indice est un compromis. Par exemple, les gauchistes critiquent le PIB, parce qu'ils préfèrent une croissance "immaterielle". Mais du moins le PIB est bien défini, et par conséquent sa valeur est objective.

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Il y a 3 heures, TheRedBaron a dit :

Mais du moins le PIB est bien défini, et par conséquent sa valeur est objective.

Mais du coup ça ne réponds pas à "Le prix moyen du pétrole baisse c'est un problème ?" ? Le prix du pétrole indique aussi le développement de la conjoncture objective bien définie et synthétise d'autres indicateurs primitifs (différents prix de ventes un peu partout).

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J'ai créé un indice que j'appelle "pile ou face". C'est vrai que son lien théorique avec l'économie n'est pas parfaitement établi mais comme tous les indices ce n'est qu'un compromis. Au moins il est bien défini et par conséquent objectif.

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... et puis surtout, maintenant que j'ai une mesure macro, pas question bien sûr de s'arrêter juste à l'observation.

 

ça serait trop dommage de ne pas aller fouailler dans la tripaille pour y faire plein d'interventions indispensables au regard de la valeur de l'indice.

 

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Le 24-3-2018 à 14:05, Johnathan R. Razorback a dit :

J'en pense qu'il y a déjà un fil sur l'École Autrichienne.

J'ai déjà craint, que les amateurs de l'école autrichienne n'acceptent aucune agrégation.

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Le 26-3-2018 à 15:24, ttoinou a dit :

Mais du coup ça ne réponds pas à "Le prix moyen du pétrole baisse c'est un problème ?" ? Le prix du pétrole indique aussi le développement de la conjoncture objective bien définie et synthétise d'autres indicateurs primitifs (différents prix de ventes un peu partout).

En général, les prix des matières premières augmentent et diminuent plus que les prix des produits finis. Donc les prix des matières premières exagèrent les fluctuations de la conjoncture. (Mais pendant les Trentes Glorieuses les prix des matières premières oscillaient indépendamment de la conjoncture). Vu que le marché du pétrole est assujetti aux interventions de l'OPEP, je ne suis pas sûr, que le prix du pétrole soit encore lié à la conjoncture. Le PIB est évidemment un meilleur indicateur.

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Le 27-3-2018 à 00:05, Nigel a dit :

 

 Bah tu vas voir les indices de liberté économique ou celui de la liberté humaine du Cato. 

 

 Liberté économique : https://www.fraserinstitute.org/economic-freedom/map?year=2015&geozone=world&page=map

 

Liberté humaine : https://www.cato.org/human-freedom-index

Je ne suis pas sûr, que la liberté économique doive être maximale pour maximiser la liberté humaine.

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Le 25/03/2018 à 17:11, Mégille a dit :

1): Considères-tu que la philosophie morale devrait/pourrait être remplacé par une science de l'homme ? Par exemple, la psychologie positive, qui se veut être une science du bonheur ?

 

2): problème de mettre sur le même plan des injonctions du genre "tu ne dois pas voler" et "tu ne dois pas manger trop de sucre"

 

3): il y a ce bon vieux problème is/ought, que je ne crois pas être fallacieux.

 

4): Nous pouvons à partir de là très bien imaginer qu'un type, un genre de nietzschéen, nous dise "je m'en fiche de votre bonheur, c'est un truc de faible, etc", et qu'il décide de prendre à contre-pied toutes nos recommandations. Pourrons nous lui dire "tu devrais pas faire ça" ? Je ne crois pas, puisque nos injonctions seront subordonnées à la recherche d'une fin qu'il n'accepte pas.

 

5): Imaginons maintenant que notre science de l'homme nous permettre de décrire mécaniquement la cause de chacune de ses actions. Est-ce que ça nous permettrait d'établir qu'il cherche le bonheur, et qu'il s'y prend mal ?

 

6): Une façon de résoudre ce problème, (ou plutôt, de le contourner de façon à première vue pas si inacceptable) serait une analogie avec la médecine. 

 

7): un petit larcin, que l'on aurait commis avec suffisamment d'adresse pour ne pas risquer de se faire pincer, et suite auquel on éprouverait très peu de remord, relèverait du même type de "faute" que quelques verres d'alcool bu en trop, voir même, qu'une angine ou un petit rhume. Et ce, quel que soit le mal fait à autrui par ledit larcin.

 

1): Je compte acheter un livre de psychologie positive prochainement, justement. Vu que le bonheur est un état psycho-physique, ça me semble normal que les sciences "dures" aient des choses utiles à en dire. Mais je ne crois pas que ça invalide la philosophie morale, car quand bien même on pourrait assigner à une science le rôle prescriptif ( @Lancelot considère que ma position réduit la morale à une technique, ce qui a au moins le mérite de laisser la science -libre de jugements de valeurs- de côté), il resterait encore à débattre de la nature de la morale (méta-éthique) et à réfuter les doctrines morales concurrentes.

 

2): Note que je sépare, dans la morale, la moralité (qui a à voir avec les droits naturels d'autrui) et l'éthique* (qui à avoir avec la façon de pas faire de tort mais en-dehors de la sphère jusnaturaliste libérale habituelle -on pourrait appeler ça la civilité, peut-être. Encore que ça pourrait impliquer tout ce qui est rapport éthique au vivant et rapport à l'environnement- mais aussi avec les "devoirs envers soi", l'obtention des vertus, le perfectionnement moral individuel, la vie bonne au sens le plus large). La moralité a des propriétés spécifiques qui en font des prescriptions morales qui doivent en même temps être des normes politiques que la loi doit garantir. Il y a donc une différence dans le statut moral de tes deux énoncés.

 

*Je ne suis donc a priori pas favorable au minimalisme éthique, même si j'ai encore à lire Ogien dans le texte ;)

 

3): La téléologie est justement ce qui permet de fonder l'eudémonisme. Si l'Homme était ultimement pure liberté, être dénué de fin, trouver un critérium objectif de la morale serait problématique, pour en dire le moins.

 

4): Il n'y a pas besoin d'imaginer, ce genre de discours est hélas assez banal:

"Le fait d'être satisfait n'a rien du charme magique d'une bonne lutte contre le malheur, rien du pittoresque d'un combat contre la tentation, ou d'une défaite fatale sous les coups de la passion ou du doute. Le bonheur n'est jamais grandiose." -Aldous Huxley, Le Meilleur des mondes.

"Le bonheur repose toujours sur la sécurité, c'est-à-dire sur une limitation apparemment confortable de nos possibilités. La joie, elle, est traversée par le désespoir qui, en bout de course, la rejoint. Alors que le bonheur est un sentiment égal, monotone, dérivant de la sécurité, la joie exprime pleinement et simultanément tout un spectre: joie à un extrême, désespoir au centre, puis joie encore." -David Cooper, Mort de la famille, Éditions du Seuil, 1972 (1971 pour la première édition anglaise), 156 pages, p.53.

"[Alabanda:] Grâce à Dieu, je n'aurai pas une fin ordinaire. Etre heureux, dans la bouche des valets, c'est somnoler. Etre heureux ! J'ai l'impression d'avoir de la bouillie et de l'eau tiède sur la langue, quand vous me parlez d'être heureux. C'est tellement niais et abominable, tout ce pour quoi vous sacrifiez vos couronnes de laurier, et votre immortalité." -Friedrich Hölderlin, Hypérion ou l'Ermite de Grèce, trad. Jean-Pierre Lefebvre, GF Flammarion, 2005 (1797-1799 pour la première édition allemande), 281 pages, p.96.

"L'homme n'aspire pas au bonheur ; il n'y a que l'Anglais qui fait cela." -Friedrich Nietzsche, Le Crépuscule des idoles, suivi de Le cas Wagner, trad. Henri Albert, GF-Flammarion, 1985 (1889 pour la première édition allemande), 250 pages, p.73, §12.

"On devient homme non par le biais de la science, de l'art ou de la religion, mais par le refus lucide du bonheur, par notre inaptitude foncière à être heureux." -Emil Cioran, Des larmes et des saints (1937). In Œuvres, Gallimard, coll. Quarto, 1995, 1818 pages, p.328.


 

 

Je dis hélas parce que de mon point de vue (téléologique), la recherche du bonheur est un fait, une nécessité. Il n'y a pas de choix possible là-dessus. Les individus précités parlent donc pour ne rien dire. A la limite, on peut discuter de la pertinence d'une critique locale de l'idée de bonheur. Tout ce discours relève d'une critique anti-bourgeoise, anti-hédoniste, hostile à la société de consommation, etc. Je comprends qu'on rejette un contenu mensonger de "bonheur". Mais le rejet du bonheur en soi est absurde. C'est en quelque sorte le pôle adolescent du déni symétriquement inverse du rejet de la mort. La mort aussi est une nécessité. Et on ne délibère pas sur les choses éternelles comme dirait Aristote.

 

On n'a cependant jamais tort d'essayer de faire changer d'avis des gens qui déraisonnent. Mais je pense que j'aurais autant de mal à convaincre Nietzsche de ma position que toi de la valeur de l'impératif catégorique :D

 

5): ben non, puisque si on explique les causes de l'action (ce qui est plutôt du ressort de la psychologie), on n'a pas de côté de l'examen des conséquences (ce qui peut toucher à l'histoire) et du "s'il s'y prend mal".

 

6): Platonicien... ;)

 

7): Ce n'est pas du tout le même type de faute puisque dans un cas tu violes le droit de propriété d'autrui, alors que l'ivresse c'est un tort (à la rigueur) porté à soi-même. Et le fait que le larcin soit petit implique seulement que le malheur qu'il engendre pour le coupable sera vraisemblablement limité. C'est en tout cas l'enseignement ce que je retire de mon expérience personnelle.

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5 hours ago, TheRedBaron said:

Je ne suis pas sûr, que la liberté économique doive être maximale pour maximiser la liberté humaine.

 

La liberté économique est un des composants essentiels de la liberté humaine. Tu ne peux pas avoir le second sans avoir le premier. Ou, en d'autres termes, tu peux avoir le capitalisme sans le libéralisme mais tu ne peux pas avoir le libéralisme sans le capitalisme. Cite-moi un exemple, un seul, de pays/société/région/ville où les citoyens disposent/disposaient d'énormément de libertés civiles sans disposer d'un niveau au moins équivalent de liberté économique ?

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Il y a 8 heures, TheRedBaron a dit :

Je ne suis pas sûr, que la liberté économique doive être maximale pour maximiser la liberté humaine.

 

 Quand bien même ça serait le cas, l'indice du liberté humaine place tout de même les pays scandinaves devant le France. 

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Le 29-3-2018 à 23:30, Nigel a dit :

Quand bien même ça serait le cas, l'indice du liberté humaine place tout de même les pays scandinaves devant le France. 

Votre lien internet dit: "The Human Freedom Index presents the state of human freedom in the world based on a broad measure that encompasses personal, civil, and economic freedom" .

 

Donc l'institute CATO inclut l'économie dans son indice du liberté humaine.

 

D'ailleurs, je recommande d'utiliser surtout les informations des organisations telles que l'ODCE, l'UE (Eurostat), la Banque Mondiale, etcetera. Leur réputation est bien connue.

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Cher @TheRedBaron, bien sûr qu'ils utilisent la liberté économique, vu qu'ils veulent établir un indice global. Mais pour ça, ils sont donc obligés d'établir en amont un indice de libertés civiles.

 

Si tu avais pris la peine d'ouvrir le dossier, tu aurais vu que l'indice de liberté humaine est une moyenne de la liberté économique ET des libertés personnelles. Donc tu as accès à un indice de liberté or économie dans le tableau. Et comme tu le vois, même dans le seul indice "personal freedom", les pays scandinaves sont bien mieux classés que la France.

 

1522490901-telechargement-1.png1522490908-telechargement.png

 

 Bref, fais des efforts. 

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il y a une heure, TheRedBaron a dit :

Votre lien internet dit: "The Human Freedom Index presents the state of human freedom in the world based on a broad measure that encompasses personal, civil, and economic freedom" .

 

Donc l'institute CATO inclut l'économie dans son indice du liberté humaine.

 

D'ailleurs, je recommande d'utiliser surtout les informations des organisations telles que l'ODCE, l'UE (Eurostat), la Banque Mondiale, etcetera. Leur réputation est bien connue.

 

Toujours pas de graphique montrant la baisse formidable de la pauvreté chez les Soviétiques ?

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@Johnathan R. Razorback

 

A propos de la téléologie : j'ai moi aussi tendance à croire qu'il ne faut pas la rejeter trop vite, et qu'elle est sans doute une interface incontournable entre le règne de faits et celui des normes. Mais il y a quand même pas mal d'obstacles sur notre route pour ça... je veux dire, les causes finales, ce n'est pas super à la mode. On peut assez facilement imaginer un spinozisme radicalisé face auquel on serait un peu pris au dépourvu : celui là commencerait par nous défendre que notre propre sentiment de poursuivre des fins est dû à l'inconnaissance des causes qui nous meuvent, mais il continuerait en rejetant même le conatus comme trop téléologique. Il nous dirait qu'il n'y a que des chaînes causales aveugles au sein desquels nos pensées et nos volitions n'auraient aucune singularité, que même la tendance des choses à "perdurer dans leur être" n'est tout au plus qu'un phénomène fréquent, qu'à propos des comportements auto-destructeurs nous ne puissions rien dire de plus que "c'est inhabituel", sans jamais pouvoir dire ni "c'est mal" ni "c'est maladroit", puisque le premier de ces deux jugements porte sur une fin, le deuxième, sur la conformité instrumentale à une fin, alors qu'il n'y a rien de tel que des "fins".

J'imagine que c'est ce qui découle le plus naturellement du physicalisme actuel. Face à un tel contradicteur théorique, je me sens contrains d'aller jusqu'à modifier le sens de "cause", mais si tu as une échappatoire moins coûteuse, je suis intéressé !

 

A propos de cette distinction entre éthique et moralité... voilà qui est intéressant ! Il ne me semble pas que tu aies accepté ça précédemment. Ce que Kant et moi défendions c'est justement que cette moralität auquel l'individu est contraint vis-à-vis des autres (mais aussi vis-à-vis lui-même d'après Kant) ne peut en aucune façon jaillir d'une éthique comprise comme technologie du bonheur. Mais ça nous amène à un autre point, sur lequel c'est moi qui suis seul, et toi qui as Kant de ton coté (même si vous vous opposez sur la possibilité de certitude au sujet du bonheur).

Voilà : j'ai tendance à douter de la pertinence de ce dualisme pratique auquel on aboutit presque mécaniquement dès lors que l'on est libéral, voire simplement moderne. A propos des normes répondants à "que faire ?", j'aurais d'un coté un conséquentialisme individuel, me faisant poursuivre mon propre bonheur, ou quelque chose comme ça, et d'un autre coté, une déontologie, me contraignant à respecter les droits des autres... Or, mon problème est qu'il me semble que dès que je prends l'une ou l'autre de ces familles de règles comme raison pour agir, les autres se retrouvent comme privées de valeurs. En tant que je poursuis mon bonheur, le devoir envers les autres ressemble à une construction métaphysique abstraite et dépourvu de sens, et à l'inverse, en tant que je cherche à me conformer au devoir, la poursuite de mon bonheur me semble être une futile occupation, une vanité infondé et sans la moindre normativité.

J'essaie de surmonter ça en creusant du coté de l'éthique des vertus à l'ancienne... mais pour l'instant je reste surtout perdu dans les paradoxes.

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il y a 22 minutes, Mégille a dit :

les causes finales, ce n'est pas super à la mode.

 

ça c'est la conséquence de la modernité. Les Modernes ont dû prendre des risques intellectuels et souvent personnels importants pour se libérer de la dogmatique scolastique. Comme souvent, on est passé d'un extrême de pensée à l'autre. On a eu un anti-aristotélisme systématique qui a abouti à des choses aussi imbitables que l'état de nature. Certes, il fallait en passer par là pour fonder la physique moderne. Corriger l'ontologie en tenant compte de Galilée & cie:

 

« Pour montrer maintenant que la Nature n’a aucune fin à elle prescrite, et que toutes les causes finales ne sont rien que des fictions humaines, je n’aurai pas besoin de beaucoup de peine. […] Cette doctrine finaliste renverse totalement la Nature. Car ce qui, en réalité, est cause, elle le considère comme effet, et inversement. Ensuite, ce qui par nature est antérieur, elle le fait postérieur. » (je crois que c'est au livre I de l'Éthique).

 

http://tvtropes.org/pmwiki/pmwiki.php/Main/IDidWhatIHadToDo

 

Mais la coupure du cordon ombilical avec le monde d'avant ne fût pas sans quelques tâches de sang intellectuelles.

 

Par exemple le scholie 2 de la proposition 37 d'Éthique IV semble bien dire que bon et mauvais sont des notions uniquement conventionnelles (et fixés collectivement en sortant de l'état de nature, par dessus le marché). Les Anciens étaient beaucoup trop essentialistes, et les Modernes (pour ne rien dire des post-modernes) ont un penchant conventionnaliste/artificialiste problématique.

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1 hour ago, Mégille said:

A propos des normes répondants à "que faire ?", j'aurais d'un coté un conséquentialisme individuel, me faisant poursuivre mon propre bonheur, ou quelque chose comme ça, et d'un autre coté, une déontologie, me contraignant à respecter les droits des autres... Or, mon problème est qu'il me semble que dès que je prends l'une ou l'autre de ces familles de règles comme raison pour agir, les autres se retrouvent comme privées de valeurs. En tant que je poursuis mon bonheur, le devoir envers les autres ressemble à une construction métaphysique abstraite et dépourvu de sens, et à l'inverse, en tant que je cherche à me conformer au devoir, la poursuite de mon bonheur me semble être une futile occupation, une vanité infondé et sans la moindre normativité.

J'essaie de surmonter ça en creusant du coté de l'éthique des vertus à l'ancienne... mais pour l'instant je reste surtout perdu dans les paradoxes.

C'est rigolo, j'expliquais vers le début du thread que je suis un peu dans la même situation (sauf que pour moi le niveau individuel relève plutôt de l'éthique des vertus et que j'ajoute un niveau civilisationnel conséquentialiste).

 

Edit. là :

 

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Il y a 2 heures, Mégille a dit :

A propos de cette distinction entre éthique et moralité... voilà qui est intéressant ! Il ne me semble pas que tu aies accepté ça précédemment.

 

J'ai précisé des choses que j'ai écris avant, cf mon message de septembre 2017, en page 5:

 

"L'universalité -le fait que tous le monde aurait intérêt à suivre la même règle- n'est pas requise pour qu'une norme soit morale, du moins, pas nécessairement*. C'est valable pour les normes morales, mais pas nécessairement pour les normes que je propose d'appeler éthiques:

 

« Tandis que l'éthique désigne les convictions à propos des modes de vie qu'il est bon ou mauvais de mener, la morale renvoie aux principes qui guident la manière dont toute personne doit se comporter avec les autres. ». -Ronald Dworkin, Sovereign Virtue, 2000)."

 

Mais plutôt que de dire que la moralité a à voir avec autrui, je préfère dire qu'elle a à voir avec les droits naturels d'autrui et qu'il s'agit de normes légitimement politisables. Car les normes éthiques peuvent aussi impliquer autrui, mais sous d'autre rapport (par exemple l'honnêteté, la fidélité, toutes sortes de vertus dont l'absence ou le non-respect des normes ne requièrent pas une réponse politique. Pour paraphraser Spooner, les vertus ne sont pas des obligations -au sens légal).

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@Mégille: tu mettais en cause le fait de subordonner la morale à l'examen du contexte, mais l'attitude radicalement opposée (ignorance du contexte et en particulier refus de prendre en compte les réactions d'autrui dans le calcul moral), serait bien pire -autistique et inefficace:

 

« 1. Le rationalisme moral, d’après lequel le bien n’est pas ce que la majorité (ou toute autre quantité déterminée) approuve, mais ce qu’il serait rationnel d’approuver.
2. Le réalisme moral au sens fort, d’après lequel la détermination du bien se passe de toute référence aux réactions d’approbation ou de réprobation de quelque sujet que ce soit (actuel ou idéal).
» (p.92)
-Ruwen Ogien, Le Réalisme moral, PUF, coll. Philosophie morale, 1999, 571 pages.

 

Du coup je ne suis ni réaliste moral au sens fort, ni réaliste moral tout court vu qu'Ogien oppose cette position au naturalisme moral*. En revanche ce que je défend est aussi une forme de rationalisme moral.

 

*Mais sa présentation est inhabituelle, en général on considère le naturalisme comme une sous-branche du réalisme moral. Ce que défend Ogien est en fait un https://en.wikipedia.org/wiki/Ethical_non-naturalism

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L'utilitarisme est aussi un naturalisme éthique (du coup la différence avec l'eudémonisme téléologique semble plutôt au niveau de l'éthique normative que de la méta-éthique), comme @Lancelot l'avait d'ailleurs suggéré en page 5.

 



Ethical naturalism, in ethics, the view that moral terms, concepts, or properties are ultimately definable in terms of facts about the natural world, including facts about human beings, human nature, and human societies. Ethical naturalism contrasts with ethical nonnaturalism, which denies that such definitions are possible. Because ethical naturalists believe that moral claims are ultimately about features of the natural world, which are generally amenable to scientific study, they tend to embrace moral realism, the view that moral claims are not merely expressive statements but are literally true or false.

An example of a naturalistic ethical theory is John Stuart Mill’s version of utilitarianism, according to which action is morally right to the extent that it tends to produce happiness (or pleasure, broadly construed) and morally wrong to the extent that it fails to produce happiness or tends to produce unhappiness (or pain, broadly construed).

https://www.britannica.com/topic/ethical-naturalism

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Le 31-3-2018 à 12:11, Nigel a dit :

Cher @TheRedBaron, Et comme tu le vois, même dans le seul indice "personal freedom", les pays scandinaves sont bien mieux classés que la France.  Bref, fais des efforts. 

Merci pour le conseil. Je suppose que sur Liborg je cherche plûtot la discussion. C'est à dire, j'aime mettre à l'épreuve ma propre opinion.

 

Je ne suis pas sûr, que les pays scandinaves offrent des conditions de vie attrayantes. Par exemple, ils souffrent des dépenses collectives élevées, ce qui limite le choix de consommation. Mais j'admets que la France a le même problème.

 

Je suis en train de lire "Économie politique de la protection sociale" de M. Elbaum. Peut-être elle expliquera la différence entre le système français et suédois.

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Il y a 2 heures, TheRedBaron a dit :

Je suis en train de lire "Économie politique de la protection sociale" de M. Elbaum. Peut-être elle expliquera la différence entre le système français et suédois.

Je doute qu'une économiste qui a été fonctionnaire toute sa vie (et qui est énarque, donc qui fait partie de l'élite des profiteurs de l'impôt) ait une opinion critique des dépenses publiques. D'autant qu'elle a travaillé au cabinet de Martine Aubry (donc à l'aile gauche du PS), et a été membre de l'Inspection Générale des Affaires Sociales, un des corps de hauts fonctionnaires les plus socialisants.

 

Mais bon, je reconnais que son livre est édité dans une collection prestigieuse... et puis on n'est jamais à l'abri d'un accès d'honnêteté et de réalisme. :rolleyes:

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