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Le fil des questions alakons


Fadior

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il y a 22 minutes, Lancelot a dit :

Pas lu ce bouquin mais c'est un point important : dans la mesure où on intègre dans la philosophie morale une réflexion sur la manière dont fonctionne l'esprit humain, la frontière s'estompe avec une forme de psychologie pratique (psychothérapie, psychanalyse, self-help...). D'un côté c'est nécessaire de le faire pour ne pas arriver à des standards farfelus/impossibles, l'homme nouveau et ce qui s'ensuit, et ça donne des hypothèses testables concrètement ce qui est appréciable. D'un autre côté ça peut être inquiétant de brouiller la distinction entre bon/mauvais et sain/pathologique ou entre désaccord et négationnisme (Cf. l'ensemble des médias en 2021). Je pense que c'est possible de s'en empêcher mais ça demande des anticorps conceptuels et de la vigilance.

Indeed. Tu as, of course, un niveau bien plus pointu que le mien dans tout ce qui est sciences cognitives, donc des réflexes intellectuels plus affûtés pour détecter le cognitobullshitage. Dans le chapitre en question, je n'ai pas spécialement lu de conneries, mais je serais curieux de savoir ce que tu en penses. M'enfin l'auteur m'est tout de même sympathique, puisque son programme de recherche personnel est passé de "disons du bien du bouddhisme" à "en fait le bouddhisme-pour-occidentaux c'est de la merde, le stoïcisme c'est quand même autrement mieux".

 

Evidemment, je dis ça parce que l'auteur est philosophe. Je mettrais a priori davantage de confiance dans "The Happiness Hypothesis" de Jon Haidt, parce que la psychologie, c'est son métier (pour rappel, la thèse du bouquin est "les philosophies morales de l'Antiquité s'appuient sur une meilleure connaissance de la nature humaine que la majeure partie de ce qui a suivi, c'est pas con d'y revenir ou au moins de s'en inspirer").

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Celui qui tranche dans tout ça c'est 3483297273.jpg:

  • intègre une réflexion sur le fonctionnement de l'esprit humain (qui préfigure plus Jung que Freud ama)
  • veut créer un homme nouveau (même si c'est un "nouveau type moral humain" et pas de la biologie)
  • discrédite la différence bien/mal (en faveur de bon/mauvais) et sain/pathologique (qqch qui a été développé et approfondi par Canguilhem eg)

En guise de transition avec la discussion, en voilà un qui se moque copieusement des stoïciens (comme de toutes les morales ascétiques). Et question psychologie (sans doute aucun philosophe n'a été aussi proche de la psychologie que lui, que ce soit pour l'analyse des rêves, la psychologie des peuples, de la perception comme création, et tous les mécanismes d'interprétation qu'il décrit, surtout dans ses derniers livres), il me semble que le "surhomme" ressemble beaucoup à un homme équilibré, maître de ses pulsions, là où Freud a plutôt l'air de considérer que l'homme est équilibré parce que ses pulsions le laissent tranquille (mais Nietzsche dirait aussi la même chose, puisqu'il n'y a pas d'individu "substrat" des pulsions), ce qui le rend en fait beaucoup plus banal qu'il n'en a l'air (c'est Danto qui écrit que quand on analyse de près ce qu'écrit N, ses idées les plus taboues sont en fait complètement banales depuis Platon). Jung, par contre, me paraît à la fois très nietzschéen quand il théorise l'inconscient collectif, dont on trouve des échos dans les textes de N sur l'émergence de la conscience et du langage, et très anti-nietzschéen quand il souligne l'importance de la religion dans le fonctionnement psychique (parfois j'ai carrément l'impression que "Dieu" = "l'inconscient" dans Ma vie); on pourrait presque dire que pour Freud, la religion (au moins socialement) est un phénomène libidinal, alors que pour Jung, c'est plutôt le sexe qui est une forme du comportement religieux. Ce avec quoi, ironie du sort, N ne serait pas totalement en désaccord. Parce que si d'un côté, il est célèbre pour avoir dénoncé les passions tristes encouragées par la religion et les philosophies morales jusqu'à lui, il est aussi tout à fait lucide sur l'importance de l'existence d'un dieu au centre de toute interprétation du monde, ce qui l'oppose aux athées (il me semble qu'on peut sans risque dire que le freudisme est athée; le jungisme, pas du tout).

 

Je trouve aussi très symptomatique comment N critique le darwinisme (auquel il ne comprend rien) pour aboutir à une théorie de l'évolution "spirituelle" (cf Crépuscule des idoles) qui... ressemble énormément à la psychologie évolutionniste ou au néo-darwinisme (surtout celui qui change le focus sous le niveau de l'organisme individuel, coucou Dawkins). Il y a beaucoup de travaux là-dessus d'ailleurs, comment les fausses interprétations de Darwin par N sont en fait géniales.

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Donc c'est compliqué parce qu'il a l'idée que l'humanité est malade de sa moralité, mais il ne peut pas vraiment dire qu'il faudrait qu'il y ait une "autre" humanité parce que ce serait imposer un impératif moral ("tu dois"), dont il veut supprimer l'existence ou qu'il veut internaliser ("je veux"). N ne se pose pas face à une nature humaine objective à laquelle il devrait conformer "sa morale" (s'il en a une); c'est sa différence avec le naturalisme moral tel qu'on peut le lire dans Hume, il avance au contraire l'idée que la morale façonne les hommes, ou plus précisément peut-être que les hommes façonnent la morale dont ils ont besoin (d'où la porosité avec l'evopsy), sans que ça veuille pour autant dire qu'on peut inventer toutes les morales qu'on veut! Et comme il dit lui-même que le renversement des valeurs comporte un danger de mort, ce n'est pas toujours très clair s'il pense que c'est anthropologiquement possible. Il faut aussi voir jusqu'à quel point et à quel niveau épistémologique il faut prendre au sérieux son idée que la réalité n'est que les interprétations (y compris morales) qu'on en fait, parce que ça dynamite un peu le problème de la correspondance des idées à la "nature" (humaine ou à la réalité en général d'ailleurs).

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il y a 13 minutes, Vilfredo Pareto a dit :

aspectualiser volontairement les points négatifs pour ne pas se laisser abattre

Cela me fait furieusement penser à une collègue et surtout amie qui, après avoir eu des déboires affectifs majeurs, avait instauré une nouvelle philosophie de vie probablement trouvée dans psycho magazine ou Marie-Claire : la PPP, pour pensée positive perpétuelle. Bon, j'ai qu'à moitié écouté ce qu'elle en faisait ("je vais bien, je gère, ça va s'arranger, après la pluie le beau temps, blablabla mon cul sur la commode"), et me suis dis que c'était de la merde. Pendant plusieurs semaines/mois, quand elle évoquait sa PPP, ma seule réponse était "tu vas droit dans le mur". Autant dire que j'étais un peu le connard de service. Bon ben, ça n'a pas manqué, à force d'aller gratter où il ne fallait pas, elle a fondu en larme et m'a avoué qu'elle était sous anti-dépresseur depuis peu. Tout ce 3615Mavie pour dire que ce qui tu a l'air de penser de la réflexion stoïcienne m'a plus l'air d'une sorte de relativisme, et bien loin de ce qu'a décrit Jensen.

 

Concernant la dépression, il y a effectivement un dysfonctionnement de la perception avec notamment une accentuation des biais de confirmation/sélection envers les éléments perçus/considérés comme négatifs/désagréables ; et qui viennent nourrir une représentation interne plus globale de l'environnement. Ce sont ces biais qui peuvent éventuellement faire écho à un fond dépressif (le fameux "Ptin, il est relou X, toujours en train de se plaindre" que le thérapeute essaiera d'évaluer pour savoir si c'est plutôt postural, plutôt le reflet d'une réelle affliction, ou autres). Travailler sur ces biais, permet un point d'ancrage sur les représentations.

  

il y a 5 minutes, Vilfredo Pareto a dit :

en voilà un qui se moque copieusement des stoïciens

Il s'en moque tellement qu'un jour il a écrit qu'il n'y avait pas de phénomènes moraux, mais plutôt une représentation morale des phénomènes.


Pour en revenir à nos moutons, la doctrine stoïcienne basée sur cette notion fondamentale de ce qui dépend ou non de toi n'est pas juste un coup de polish persuasif sur comment aborder le monde, mais est au contraire une force majeure permettant de recentrer l'individu sur ses propres intérêts. Pour faire un petit comparatif, et qui n'est pas anodin d'ailleurs, les bases de la philosophie libérale sont loin d'être complexe et pourtant accouchent d'une grande richesse.

Pour faire dans le concret, je travaille actuellement principalement auprès de "co-aidants" en souffrance, ces personnes qui vivent auprès de malades/addicts. Je trouve l'exemple assez parlant sur comment ces personnes peuvent vivre la maladie à la place de, et au final s'y perdre au point de venir consulter. Pourtant, ça part généralement d'une idée somme toute acceptable "je l'aime donc je dois l'aider". Et de là découle un ensemble de comportements qui vont devenir complètement délétères (déresponsabiliser l'autre, déformer la réalité, culpabiliser autrui, se culpabiliser, être agressif, j'en passe...). Au final, la personne s'est oubliée, n'a plus conscience de ses propres besoins, parce que n'a plus en elle, les limites rassurantes. En se basant sur ce qui dépend d'elle (entre autres bien sûr), cela permet déjà de dégager un certain nombre de de représentations, et de l'aider à évaluer d'abord lesquelles dépendent d'elle, et lesquelles sont plus importantes que les autres (là, on va toucher aux valeurs par exemple, et ce qui en découle). 

 

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1 hour ago, Rincevent said:

M'enfin l'auteur m'est tout de même sympathique, puisque son programme de recherche personnel est passé de "disons du bien du bouddhisme" à "en fait le bouddhisme-pour-occidentaux c'est de la merde, le stoïcisme c'est quand même autrement mieux".

C'est positif parce que les chercheurs pro-bouddhisme "laisse moi t'expliquer les vertus du pardon et de la méditation pleine conscience" ont tendance à être très chiants et bornés :lol:

 

Quote

pour rappel, la thèse du bouquin est "les philosophies morales de l'Antiquité s'appuient sur une meilleure connaissance de la nature humaine que la majeure partie de ce qui a suivi, c'est pas con d'y revenir ou au moins de s'en inspirer"

Alors ce n'est pas tout à fait vrai (le post suivant de @Vilfredo Pareto donne des contre-exemples) mais ça illustre la distinction entre des morales "psychologisantes" et d'autres plus "collectivistes" (i.e. j'ai cette théorie sur la société parfaite qui demande que gens suivent tel code de conduite, dont si tu veux être moral tu le suis épicétout). Je vais peut-être dire une connerie parce que je maîtrise très peu le sujet mais j'ai l'impression que le succès du christianisme n'est pas étranger à celui de l'approche "collectiviste" après l'antiquité.

 

@Vilfredo Pareto j'ai apprécié ce que j'ai pu lire de Nietzsche. Comme tu le précises dans le second message je ne pense pas qu'on puisse interpréter le surhomme comme un homme nouveau dans le sens où il s'agirait d'un modèle unique à suivre inconditionnellement mais plutôt comme une personne qui s'épanouirait à sa manière propre (et là le lien avec Jung et Canguilhem est en effet évident). Du coup je le placerais fermement dans le camp des "psychologisants".

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il y a 1 minute, Lancelot a dit :

les chercheurs pro-bouddhisme "laisse moi t'expliquer les vertus du pardon [...]"

... ont tendance à être déraisonnablement anti-catholiques, aussi. :devil:

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Il y a 4 heures, RaHaN a dit :

Tout ce 3615Mavie pour dire que ce qui tu a l'air de penser de la réflexion stoïcienne m'a plus l'air d'une sorte de relativisme, et bien loin de ce qu'a décrit Jensen.

:huh:

Il y a 4 heures, RaHaN a dit :

Il s'en moque tellement qu'un jour il a écrit qu'il n'y avait pas de phénomènes moraux, mais plutôt une représentation morale des phénomènes.

Moui et surtout sur les Stoïciens précisément ceci où il se fout éhontément de leur tronche: (Par-delà bien et mal, §9)

Révélation

C’est « conformément à la nature » que vous voulez vivre ! Ô nobles stoïciens, quelle duperie est la vôtre ! Imaginez une organisation telle que la nature, prodigue sans mesure, indifférente sans mesure, sans intentions et sans égards, sans pitié et sans justice, à la fois féconde, et aride, et incertaine, imaginez l’indifférence elle-même érigée en puissance, — comment pourriez-vous vivre conformément à cette indifférence ? Vivre, n’est-ce pas précisément l’aspiration à être différent de la nature ? La vie ne consiste-t-elle pas précisément à vouloir évaluer, préférer, à être injuste, limité, autrement conformé ? Or, en admettant que votre impératif « vivre conformément à la nature » signifiât au fond la même chose que « vivre conformément à la vie » — ne pourriez-vous pas vivre ainsi ? Pourquoi faire un principe de ce que vous êtes vous-mêmes, de ce que vous devez être vous-mêmes ? — De fait, il en est tout autrement : en prétendant lire, avec ravissement, le canon de votre loi dans la nature, vous aspirez à toute autre chose, étonnants comédiens qui vous dupez vous-mêmes ! Votre fierté veut s’imposer à la nature, y faire pénétrer votre morale, votre idéal ; vous demandez que cette nature soit une nature « conforme au Portique » et vous voudriez que toute existence n’existât qu’à votre image — telle une monstrueuse et éternelle glorification du stoïcisme universel ! Malgré tout votre amour de la vérité, vous vous contraignez, avec une persévérance qui va jusqu’à vous hypnotiser, à voir la nature à un point de vue faux, c’est-à-dire stoïque, tellement que vous ne pouvez plus la voir autrement. Et, en fin de compte, quelque orgueil sans limite vous fait encore caresser l’espoir dément de pouvoir tyranniser la nature, parce que vous êtes capables de vous tyranniser vous-mêmes — car le stoïcisme est une tyrannie infligée à soi-même, — comme si le stoïcien n’était pas lui-même un morceau de la nature ?… Mais tout cela est une histoire vieille et éternelle : ce qui arriva jadis avec les stoïciens se produit aujourd’hui encore dès qu’un philosophe commence à croire en lui-même. Il crée toujours le monde à son image, il ne peut pas faire autrement, car la philosophie est cet instinct tyrannique, cette volonté de puissance la plus intellectuelle de toutes, la volonté de « créer le monde », la volonté de la cause première.

 

Sinon on entre dans la question de l'éthique médicale, passionnante mais où c'est à mon tour d'être largué. Ce que tu écris me fait penser à Szasz, qui accusait, de ce que j'en sais vaguement, la psychiatrie de déresponsabiliser les patients en inventant "le mythe de la maladie mentale", genre comme si c'était une maladie biologique. Je voudrais le lire pour comprendre s'il défend un dualisme radical ou si "c'est plus compliqué".

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Le 22/06/2021 à 22:28, Liber Pater a dit :

Merci à tous les deux ! Ce sont des premières pistes, je vais voir ce que ça donne.
Pour être plus précis, l'idée est de savoir étoffer un peu mes tournures de phrases qui ont tendance à tourner sur les mêmes schémas, mais aussi savoir développer une idée, éventuellement écrire des articles

Up.

 

La mort de Steven Horwitz m'apprend que sa femme, Sarah Skwire, a écrit un livre dédié à cette question, qui semble être un grand succès puisqu'il en est à au moins 12 éditions : https://www.amazon.fr/Writing-Thesis-International-David-Skwire/dp/1133950876/

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Autre question : c'est nouveau, qu'il n'y ait plus de liens sur les articles fr:WP vers les articles correspondants dans d'autres langues ?

 

Si il y a des Wikipédiens ici, on sait ce qui a présidé à une telle décision ?

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il y a 7 minutes, Neomatix a dit :

C'est juste un changement d'inferface, les langues sont en haut à droit dans une liste déroulante, maintenant.

C'est quand même nettement moins clair (et ça nécessite un clic de plus, ce qui tue la sérendipité : plus possible de se dire "tiens je vois en scrollant qu'il y a une version en <xyz>, allons-y en la traduisant histoire de voir si elle ne contiendrait pas davantage d'informations). Si j'étais paranoïaque, je pourrais croire que c'est un nudge de l'équipe (politisée) qui gère fr:WP afin de limiter la fuite des lecteurs vers d'autres langues moins polarisées, et de limiter la comparaison entre plusieurs articles selon la langue.

 

Mais on ne peut pas non plus exclure la bêtise et l'incompétence. ;)

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11 hours ago, Rincevent said:

 

Mais on ne peut pas non plus exclure la bêtise et l'incompétence. ;)

De mon expérience professionnelle : explique 95% des décisions prises dans toute organisation. En moyenne, les gens ne sont pas assez bons pour faire leur boulot, alors comploter...

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Le 27/06/2021 à 00:03, Vilfredo Pareto a dit :

C’est d’ailleurs pourquoi je l’ai mis en signature, mais pris à la lettre j’ai l’impression que ça donne des asociaux maso handicapés de la vie

Bah c'est un peu ce que reproche Cicéron aux Stoïciens dans son De finibus (donc le classer parmi ces derniers est un peu rapide).

 

Citation

Caton et Cicéron s’accordent aussi sur la définition du souverain Bien, qui est la Vertu. Caton demande alors pourquoi Cicéron n’adopte-t-il pas le stoïcisme qui se fonde sur la Vertu. Cicéron rétorque le stoïcisme ne fait que reprendre l’enseignement de l’Académie et d’Aristote. Caton expose alors en détail la doctrine stoïcienne.

Cicéron lui répond dans le livre IV, et s’il est d’accord sur plusieurs points, il critique l’approche réductrice qui consiste à tout baser sur la raison pure. Il préfère une approche plus large, qui prenne en compte les diverses composantes de l’être humain. La rigueur de la doctrine stoïcienne ne s’assouplit qu’avec Panétios de Rhodes qui la concilie avec le platonisme et Cicéron infléchira sa position lors de l'écriture de De officiis.

 

 

Il y a 19 heures, RaHaN a dit :

Tout ce 3615Mavie pour dire que ce qui tu a l'air de penser de la réflexion stoïcienne m'a plus l'air d'une sorte de relativisme, et bien loin de ce qu'a décrit Jensen.

Ben ça peut aboutir à une forme de relativisme oui, dans sa forme primitive.

Le sage stoïcien atteint la félicité de la contemplation de sa "citadelle intérieure", la valeur la plus haute est, pour lui, sa liberté intérieure, toutes les autres choses lui sont indifférentes (bonheur du sage stoïcien : exercice de la liberté de la volonté réglée par la raison : vie accordée i.e. cohérente déterminée par l'usage de la raison) -> le sage (qui a atteint la félicité donc) peut agir à sa guise, être un assassin, un cannibale, commettre parjure sur parjure, du moment qu'il a sa liberté intérieure. (De même, si on ne parvient pas à jouir de sa liberté intérieure, on est dans le vice, et ce même en agissant "bien").

 

D'où le fait que Zénon introduira une différence entre choses indifférentes : la vie heureuse consiste à vivre conformément à sa propre nature ET au Cosmos (nature ordonnée selon des principes (notamment de causalités) définis par un Dieu rationnel -> impossible de modifier ce Cosmos -> il faut apprendre à le connaître pour vivre en conformité avec lui, on ne peut ni s'y soustraire, ni le modifier en profondeur, on ne peut que modifier les effets du monde sur soi -> on ne peut donc agir exclusivement que sur soi). Or certains désires et actes découlent de notre nature et lui sont conformes (chercher sa propre conservation par exemple). Ces tendances sont "instinctives" mais leurs origines et leurs buts peuvent être compris par l'usage de la raison. Comme ses tendances sont avantageuses, elles finissent par nous être prescrites par la raison comme un devoir -> L'éthique stoïcienne n'est donc plus vide.

Attention cependant, la réalisation d'actes conformes à la tendance ne contribuera pas au bonheur du sage. Ces actes seront choisis uniquement car "préférables" i.e. conformes à la nature (ce que souhaite le sage).

Le stoïcien peut donc classer les actes (moraux) en 3 catégories :

- les préférables (que le sage choisira) ;

- les contraires au préférables (que le sage évitera) ;

- les ni conformes ni contraires à la tendance naturelle et, donc, pleinement indifférents (pour le coup).

Il est donc possible d'être un sage stoïcien tout en étant empereur, esclave, marchand, ... (Dans les faits, on notera que le stoïcisme est d'ailleurs un proto-universalisme, notamment parce que 1/ on est tous dotés de l'usage de la raison et 2/ on partage le même Cosmos : esclave ou empereur, homme ou femme, barbare, grec ou romain, on peut tous devenir un sage stoïcien).

 

Remarque au sujet des actes préférables: ce qui compte, ce n'est pas qu'ils soient réussis ou non (contrairement à Aristote) car cette réussite dépend de facteurs extérieurs que l'on ne contrôle pas nécessairement -> Pour le sage stoïcien, ce qui fait la valeur des actes "préférables", c'est qu'ils ont été choisis intentionnellement par celui qui agi, non leur réussite.

 

(Bon mais tout ça ne me fait pas avancer dans mon taf...).

  • Yea 2
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il y a une heure, Ultimex a dit :

Bah c'est un peu ce que reproche Cicéron aux Stoïciens dans son De finibus (donc le classer parmi ces derniers est un peu rapide).

Un peu rapide parce qu'il se moque des rigoristes mais by and large, il reste marqué par l'approche stoïcienne, malgré des accommodements.

  • Yea 1
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  • 2 weeks later...
  • 2 weeks later...
39 minutes ago, Bisounours said:

Biais cognitifs = biais de perception ? Ou bien le deuxième est un biais parmi les biais cognitifs ?

C'est pour un article que je suis en train de relire...

 

Merci :)

Les gens tendent à utiliser les deux de manière indifférenciée, en tous cas dans la littérature non spécialisée. Dans la littérature spécialisée le concept de biais cognitif est plus général (ça réfère à toutes les situations dans lesquelles la manière dont nous prenons une décision est influencée par divers facteurs sans que nous en ayons conscience). Dans mon expérience on parlera rarement de biais de perception tout court mais de biais dans la perception d'un truc spécifique (par exemple un biais de perception des émotions du visage dans telle ou telle circonstance).

  • Love 1
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il y a 11 minutes, Lancelot a dit :

tendent à utiliser

Donc dans ce passage :

 

Il ne s’agit plus de se demander pourquoi les électeurs n’utilisent pas leur pouvoir électoral, mais de savoir pourquoi ils participent aux élections alors que la probabilité pour eux d’être décisifs est quasiment nulle.

L’une des premières réponses données à cette question est l’existence d’un biais de perception.

 

Tu remplacerais par quoi, ou alors tu renverrais vers quelle définition ?

 

Parce que ensuite, l'auteur (Facchini) écrit :

 

Les électeurs participent aux élections parce qu’ils surestiment la probabilité d’être décisif. Ce biais d’évaluation peut s’expliquer par l’incertitude..

 

Du coup, je ne saisis plus trop les différences qu'il y met, à moins que lui-même ne le sache pas trop, ce dont je doute.

Note que je peux aussi, et c'est ce que je vais faire, me dire "osef"

 

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  • 1 month later...

Est-ce que la mise en danger de la vie d'autrui peut exister en anarcapistan? Le concept de partie civile peut-il exister?

 

Imaginons Vinci dont un pont d'autoroute s'effondre la nuit, heureusement sans faire de victime. Sauf qu'il y a clairement negligence et irresponsabilité de la part de la société. Comment peut-elle être sanctionnée?

- par le fait que plus personne ne voudra utiliser son réseau routier?

- par un éventuel traumatisme psychologique de ceux qui ont réchappé à quelques secondes/minutes près?

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il y a 8 minutes, Hayek&#x27;s plosive a dit :

Est-ce que la mise en danger de la vie d'autrui peut exister en anarcapistan? Le concept de partie civile peut-il exister?

 

Imaginons Vinci dont un pont d'autoroute s'effondre la nuit, heureusement sans faire de victime. Sauf qu'il y a clairement negligence et irresponsabilité de la part de la société. Comment peut-elle être sanctionnée?

- par le fait que plus personne ne voudra utiliser son réseau routier?

- par un éventuel traumatisme psychologique de ceux qui ont réchappé à quelques secondes/minutes près?

Un théoricien rothbardien dira peut-être que le nap n'a pas été violé, et que la sanction économique suffira. Mais il n'y aura rien pour empêcher une association d'usager, éventuellement composé d'entreprise de transport l'utilisant régulièrement, d'exiger réparation après avoir consulté une agence de protection y trouvant son compte, de donner lieu à un arbitrage après avoir négociation avec l'agence de protection de Vinci, et créant éventuellement un précédent en faveur des usagers, en fonction duquel les gens se comporteront par la suite, et qui sera sans doute pris en compte dans les arbitrages suivants. Même en ancapistan, la loi naturelle n'opère pas magiquement.

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Il y a 4 heures, Hayek&#x27;s plosive a dit :

 

Sur la base de quoi? Quel préjudice?

 

Il n'y a pas de droit opposable aux ponts.

Peut-être que les plaignants s'estimeront en droit de ne pas se voir infliger un tel risque, et estimeront lésé d'y avoir été exposé à leur insu. Ou alors, ils feront semblant de tout ça juste pour voir si ça leur permet un dédommagement. Peu importe, à leurs yeux, l'avis de Rothbard Jr Jr Jr sur ce qui viole ou non le NAP.

 

Personnellement, en ancapistan, si quelqu'un vient construire une centrale nucléaire à coté de chez moi, j'irais filer du cash à toutes les associations qui s'engageront à taquiner suffisamment le propriétaire pour le contraindre à se soumettre à des normes de sécurité très strictes.

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