Mon fils a 2 ans 1/2. Pour plusieurs raisons, notamment de santé, il n'a pas été en crèche plus d'un mois. On a essayé les babysitters à mi-temps : la première était incompétente, la deuxième était très bien mais nous a planté au bout d'un mois, la troisième s'est révélée... psychologiquement instable, disons.
Du coup, à partir du moment où il a su marcher et a voulu sortir dehors, il est resté à l'extérieur entre 5h et 7h par jour dans un des quatres parcs/plaines de jeux voisins de notre apartement avec le petit crochet par la boulangerie ou le supermarché, par beau et mauvais temps, l'hiver comme l'été, sous la surveillance de ses parents, et plus rarement de sa grand-mère et de sa tante ado.
Sans surprise, je suis le moins protecteur/flippé du lot, même si je ne suis jamais loin de lui au parc. Il veut aller et venir, monter, descendre, glisser, sauter, socialiser avec un enfant ou un adulte ? Si ce n'est pas dangereux (et par danger je veux dire qu'il y a un risque réel et immédiat de se blesser ou de blesser un autre), il peut le faire seul et je l'y encourage par le verbe et l'exemple. Typiquement, s'il essaie quelque chose qu'il n'a pas l'habitude de faire (ce qui est de plus en plus rare à trouver), je lui dis comment faire s'il a du mal, je le félicite s'il y met du coeur ou s'il y arrive et je reste à une distance convenable pour le rattraper immédiatement s'il y a un risque de chute.
Résultat, il a su très tôt monter et descendre des marches et d'une balançoire, monter et descendre en rappel avec une corde, sauter, faire du vélo et de la trottinette. À ma grande surprise, il n'a jamais eu d'accident. Son sens de la peur et de la prudence a semblé grandir au même rythme que ses capacités, grosso modo. Le plus amusant pour un ours comme moi est qu'il aime aller à la rencontre et parler, initier la coopération avec les enfants mais aussi les adultes. Il m'imite avec eux et se trouve à motiver des enfants plus âgé que lui à faire des jeux. Je ne connais pas d'enfant de son âge plus à l'aise physiquement et socialement. Comparé aux enfants que je vois le weekend qui vont en crèche la semaine, il n'y a pas photo. Sans parler de la santé : eux sont souvent enrhumés, le mien presque jamais.
Et n'y voyez pas là la moindre fierté : on voulait le mettre en crèche, on voulait le confier à une nounou, mais on n'a pas pu. Je pensais que le fait qu'il n'aille pas à la crèche allait pénaliser sa sociabilité. On nous avait même dit que la crèche développait le système immunitaire. C'est devenu un choix mais seulement par la suite. Et mon attitude de laisser-faire, laisser-passer au parc n'est pas consciemment randienne ou libérale, je sens juste et je me trompe peut-être que faire autrement serait triste, ennuyeux, inutile ; je n'ai pas envie de faire autrement.
Il y a des côtés négatifs. Passer du temps avec son enfant, c'est autant de temps sans travailler ou à travailler la nuit. Donc c'est aussi stressant et financièrement c'est un coût d'opportunité réel et frustrant. C'est intellectuellement assez ennuyeux. C'est aussi physiquement crevant. Lui fait la sieste, l'adulte non. Il en vient à prendre des risques réels : à ne plus se contenter de faire les tunnels de corde à 1m50 du sol mais à marcher *sur* le toit des tunnels de corde à 2m-2m30 du sol sans aucun garde-fou (là mes mains sont constamment à deux centimètres de ses mollets). Son exemple pousse les autres enfants à tenter des choses, ce qui stresse leurs parents.
Tout cela pour donner un contexte et en venir au sujet de ce fil.
Mon 'problème' principal est le fait que les enfants au parc se sentent propriétaires de leurs jouets... mais aussi des jouets des autres et des installations. Au début, j'intervenais quand mon fils piquait un objet des mains d'un autre enfant : incompréhension, larmes. Ensuite, ma femme m'a conseillé de présenter les enfants l'un à l'autre et de leur souffler l'idée de faire quelque chose ensemble ou séparément, bref d'accélérer leur interaction. Ce n'est pas parfait mais ça fonctionne mieux. Maintenant, je suis vigilant mais j'interviens plus rarement et cela reste oral. Je constate qu'un petit conflit matériel d'une minute est lui-même un accélérateur social et conduit souvent à une coopération pacifique et à des rires au bout de quelques minutes.
Pour les autres choses dérangeantes chez soi (dessiner sur les murs, monter et sauter de la table), j'ai l'impression que ce sont surtout des phases assez courtes, que l'enfant semble comprendre qu'il y a un truc qui ne va pas si on le lui explique calmement, positivement, en répétant. C'est assez bluffant : "Non, stop, ne fais pas ça !" entraîne des pleurs ; alors que "Eh, tu sais que monter sur la table comme ça, ça ne se fait pas. Papa ou maman ne le font pas par exemple. En plus c'est sale. Je ne peux pas te laisser le faire car la saleté peut conduire à attraper des maladies. Et sauter de la table peut être dangereux, tu risques de te faire mal ici, ici et là et on irait à l'hôpital" conduit à son désintérêt immédiat. J'ai surtout l'impression qu'il suffit d'attirer son attention ailleurs ("oh un chien, allons le voir !") ou d'ajouter un truc à une activité ("je ne veux pas te laisser jouer avec le robinet mais utilisons ça pour te montrer comment on arrose les plantes et que tu le fasses toi-même ensuite") pour contenir voire résoudre le problème. Son sens de l'imitation des adultes fait le reste tout seul.
Bref, je doute (mais je me trompe peut-être et ça m'intéresse d'en lire plus sur le sujet) que la philosophie politique libérale soit pertinente dans un bac à sable à cet âge. Mais mon expérience unique, bancale et sûrement biaisée, me fait penser qu'une attitude générale de laisser-passer détendu, de prévention du risque physique s'il est réel et d'explication/séduction pour les petits tracas semble avoir plus de résultats positifs que négatifs.