Aller au contenu

Mes lectures du moment


Messages recommandés

Je pense avoir identifié un autre auteur libéral méconnu comme tel :

 

 

"Quel  en  est  le  caractère  essentiel,  le  trait  distinctif  ?  C’est,  avant  tout,  nous semble-t-il, la prétention de résoudre toutes les questions d’une manière rationnelle, à l’aide de principes abstraits, conformément à la logique et aux aspirations de la nature humaine, aspirations revêtues du nom de droits du citoyen, ou de droits du peuple. Tel  est  resté,  à  travers  toutes  nos  révolutions  et  sous  les  formes  politiques  les  plus diverses, le but plus ou moins avoué, et plus ou moins conscient, de tous les grands apôtres du libéralisme, de Benjamin Constant, par exemple, à M. Laboulaye ou à M. Jules Simon. Tel est, à notre sens, le caractère fondamental du libéralisme moderne, du libéralisme français notamment : issu de la Révolution, il en a gardé la marque. Comme la Révolution, bien qu’avec plus de mesure, il est, au fond, demeuré rationnel, spéculatif, idéaliste, optimiste même ; c’est ce qui  a fait sa force d’expansion dans le monde.

À l’État, reposant sur la tradition et la coutume, le libéralisme moderne a prétendu, lui aussi, substituer, peu à peu, un État fondé sur la Raison et la Nature. Aux privilèges historiques, aux prérogatives traditionnelles ou héréditaires, aux droits particuliers et personnels du prince, des classes, des communautés, des localités, il a fait succéder les droits généraux, les droits naturels des gouvernés, considérés tantôt individuellement comme citoyens, tantôt collectivement comme nation.

Toutes  les  questions  qui  peuvent  diviser  les  peuples,  qui  les  divisent  en  fait, depuis des siècles, le libéralisme s’est flatté de les trancher conformément à la Raison et au Droit abstrait, et cela, à l’aide de deux idées simples, de deux notions dont il croyait retrouver partout le sentiment ou le besoin: la Liberté et l’Égalité. Cette double base, ainsi prise au fond du cœur humain, lui semblait assez large et assez solide pour rebâtir dessus tout le monde politique, et l’État et la Société. Durant des siècles, l’Europe avait essayé de suffire à tout, de tout trancher, avec le double principe d’autorité et de hiérarchie sociale. L’histoire avait dix fois montré l’inanité d’une pareille prétention. Le libéralisme moderne a cru découvrir une solution définitive et infaillible, dans les deux principes opposés, dans les deux idées de liberté et d’égalité, appliquées simultanément, ou progressivement, à tout le vaste domaine de la politique au gouvernement, à la religion, au travail, à l’industrie, aux relations internationales, aux rapports sociaux. Liberté à tous et sur toute matière, la liberté de chacun n’ayant l’autre limite que celle d’autrui ; égalité non pas absolue et matérielle, mais égalité morale, égalité de droits, égalité devant la loi et l’État ;
æqua libertas, comme disaient les anciens telle est la formule qui devait assurer au monde moderne l’ordre, la paix et la prospérité, en vain longtemps demandés à des principes différents.

Cette solution était-elle rationnelle ? Assurément. Était-elle conforme aux aspirations de la nature humaine ? Oui encore. À ce double titre, elle constituait, nos pères s’en pouvaient vanter, un progrès manifeste sur le passé.
" (p.82-83)

"La démocratie était la seule souveraine dont le libéralisme pût préparer le règne. Il ne s’est pas toujours aperçu qu’il travaillait pour elle. Après lui avoir frayé les voies du trône, il s’en est parfois repenti, il a refusé de la reconnaître, il a essayé de lui disputer l’empire, sans autre succès que de se rendre suspect. Quelque défiance qu’elle lui inspire, la démocratie est sortie du libéralisme, c’est le fruit de ses œuvres, et il n’en pouvait naître autre chose. Il aurait beau la renier, c’est l’enfant de sa chair et de son sang, mais un enfant qui, tout en gardant l’empreinte de ses traits, ne lui ressemble guère. Fille indisciplinée, passionnée, remuante, impatiente de toute règle, présomptueuse et arrogante, elle est loin d’écouter docilement les froides leçons de son père ; elle ne se fait pas scrupule d’être rebelle à ses maximes ; elle est portée, en grandissant, à ne voir en lui qu’un mentor gênant." (p.83-84)

"Il s’est trouvé que, dans les masses, le besoin de liberté, qui répond aux plus nobles instincts de l’esprit, était moins fort que le goût d’égalité qui flatte les moins nobles. Il s’est trouvé que ces deux idées, qui de loin paraissaient connexes, que ces deux sœurs jumelles, qui semblaient se devoir prêter un mutuel appui, ne faisaient pas toujours bon ménage, et que, lorsqu’il fallait faire un choix entre elles, le peuple ne se portait pas du côté de la liberté. Il s’est trouvé, en un mot, que, dans le programme du libéralisme moderne, comme dans la Révolution française, il y avait une sorte d’antinomie qu’ont fait apparaître les bouleversements du siècle." (p.84)

"Pour la plupart de ceux qui s’y livrent, la politique n’est que l’art de faire ses affaires aux dépens du public. Un écrivain non moins clairvoyant que spirituel [Gustave de Molinari] remarquait que les partis étaient des sociétés d’exploitation auxquelles la nation était obligée d’abandonner la gestion de l’État. Cela est vrai, et plus loin s’étend la sphère de la vie politique, plus bas se recrute le personnel des partis, et plus leur exploitation se montre éhontée." (p.88)

"Les deux forces opposées en lutte dans la démocratie, la tendance centraliste et la tendance autonomiste, sont donc loin d’être aussi divergentes qu’elles semblent l’être au premier abord. Elles diffèrent moins par le but que par les voies et moyens. Toutes deux en somme tendent, presque également,  à l’accroissement de la puissance publique, à la restriction des droits individuels, par suite, à la diminution des libertés effectives. Despotisme de l’État, unitaire ou fédéral, nation ou commune tel est l’écueil sur lequel l’un et l’autre de ces courants, en apparence contraires, poussent, sous nos yeux, les peuples modernes. La liberté est en danger d’un côté comme de l’autre. Les deux penchants qui se disputent, en son nom, la démocratie ne peuvent la servir qu’en se combattant et se faisant contrepoids.

Triste contradiction des choses humaines ! À quoi menace d’aboutir la démocratie, une fois parvenue à l’extrémité de son développement logique ? À la tyrannie, au nom des droits de l’État et des intérêts généraux ; à l’anarchie, au nom des droits de la commune, au nom des intérêts locaux ou des intérêts de classes
." (p.92)

"Qu’est-ce, au fond, que ce principe de nationalité, salué avec tant de confiance par les générations libérales, et, depuis, si souvent renié par ceux qui le proclamaient naguère ? C’est, en réalité, l’enfant de la Révolution et du libéralisme, qui, au vieux droit dynastique, ont prétendu partout substituer le droit des peuples, et, aux gouvernements fondés sur la légitimité et l’hérédité, les gouvernements fondés sur la volonté nationale. C’est l’application aux rapports des États et aux nations, considérées comme des individualités vivantes, des principes préconisés dans les relations des citoyens entre eux ; l’application des deux idées de liberté et d’égalité à tous les peuples, regardés comme ayant un égal droit à l’existence, un égal droit à l’indépendance. C’est la suppression pour les nations, érigées en personnalités conscientes, de l’état de servage ou de vasselage, aboli par la Révolution pour les individus ; c’est sur les ruines de l’ancien droit féodal, le droit rendu aux peuples, comme aux particuliers, de disposer librement d’eux-mêmes. C’est, en quelque sorte, l’extension au droit des gens et au droit public de l’Europe des nouvelles maximes du droit privé." (p.95)

"Et ce qu’ont fait les gouvernements, obéissant à l’instinct envahissant du pouvoir, les partis fondés sur les traditions politiques ou religieuses inclinent à le tenter, à leur profit, se leurrant de l’espoir de faire servir les aspirations ouvrières à la restauration des influences traditionnelles et, sinon de l’ancien ordre social, d’un nouvel ordre hiérarchique. Chaque groupe, chaque parti, politique ou religieux, prépare son plan de refonte de la société. La fin du XIX° siècle aura vu ce spectacle inattendu : les papes et les empereurs offrant à la démocratie le concours de l’Église et de la monarchie, et les suprêmes pasteurs des peuples, au spirituel comme au temporel, invitant le monde à réformer les conditions d’existence des classes populaires. En face des différentes formes du socialisme démagogique: du communisme, du mutualisme, du collectivisme, surgissent le socialisme conservateur, le socialisme de la chaire, le socialisme protestant, le socialisme catholique, le socialisme antisémitique, tous ligués contre le dogme de la liberté et de la libre concurrence. Le libéralisme politique et économique se croyait si sûr d’une entière victoire qu’il avait déjà entonné les funérailles du socialisme, et voilà que, dans les pays les plus éclairés, ce mort importun ressuscite, sous des noms et sous des aspects nouveaux ; et les puissances qui semblaient devoir l’écarter s’ingénient à lui frayer les voies." (p.103)

"Ainsi, de quelque côté qu’il se tourne, le libéralisme est en butte à des mécomptes répétés. Dans aucun domaine, il ne l’a définitivement emporté."
(p.104)

"Si elle favorise le développement intellectuel et matériel des sociétés, la Liberté ne saurait suppléer aux doctrines morales, les seules dont une civilisation se nourrisse et vive." (p.105)

"Tout n’a pas été illusion dans les espérances du libéralisme, ni désappointement dans sa carrière sur plus d’un point, il a fait des conquêtes que l’avenir ne fera que consolider. Beaucoup de ses revers viennent de ce qu’il n’a pas assez tenu compte de la démocratie, des appétits, des prétentions, des ignorances, des susceptibilités, des jalousies de cette ambitieuse parvenue ; tantôt la regardant avec trop de complaisance ou de naïf abandon, comme s’il en dût toujours rester le maître et le tuteur ; tantôt lui témoignant une malveillance imprudente, la rebutant par des hauteurs blessantes et une mauvaise humeur dédaigneuse, an risque de s’en faire une ennemie. Il n’a pas su prévoir que, pour les masses populaires, la liberté ne pourrait être qu’un but et non un moyen ; que, pour les millions de créatures humaines qui peinent sur le sillon ou sur la machine, il n’y aurait jamais de vraie liberté que celle qui soulage leurs bras du fardeau du travail ; que pour l’ouvrier, et pour le paysan, tous les droits abstraits ne sauraient valoir un morceau de pain ou un morceau de lard ; que toutes les facultés politiques que leur pouvait concéder la loi, ils s’efforceraient de les convertir en avantages effectifs, en repos, en bien-être, en jouissances.

L’avènement de la démocratie, tel est le fait capital qui a dérangé les calculs du libéralisme, et ce fait qu’il a été trop lent à reconnaître, il lui faut désormais s’y résigner et s’y accommoder, sous peine de déceptions nouvelles. Les libéraux qui ne le sentent point se condamnent à l’impuissance, car, quels qu’en soient les dangers ou les fautes, rien, sur le sol français, ne saurait longtemps prévaloir contre la démocratie
." (p.105)

"En dehors des solutions libérales, la démocratie ne peut nous offrir que le choix entre deux sortes de tyrannie, presque également pesantes et également humiliantes la tyrannie des masses, tyrannie de l’État ou de la Commune représentés par des assemblées omnipotentes ; — ou la tyrannie d’un dictateur, d’un maître civil ou militaire, incarnant la force populaire. De ces deux tyrannies, il est difficile de dire laquelle serait la plus dure, laquelle serait la plus fatale à la France et à l’esprit français. Si nous ne savons nous en tenir aux idées de liberté, si nous ne savons mettre un terme aux empiétements continus de l’État, si nous lui sacrifions tous les droits des individus, des familles, des groupes vivants, nous n’échapperons point à l’une ou à l’autre de ces deux tyrannies, ou plutôt nous les subirons toutes deux, successivement, l’une engendrant l’autre, comme par une sorte de génération alternante." (p.106)
-Anatole Leroy-Beaulieu, "Les mécomptes du libéralisme", in La Révolution et le libéralisme, Paris, Hachette, 1890, 165 pages.

 
 

 

Sa conférence, Pourquoi nous ne sommes pas socialistes, est encore plus remarquable: http://www.bmlisieux.com/curiosa/bolieu01.htm

@Nigel pourrait en tirer la matière de l'une de ses petites vidéos ;)

Lien vers le commentaire
Le 24/08/2018 à 15:08, Johnathan R. Razorback a dit :

Je sais qu'il y a un ou deux liborgiens qui croient pouvoir s'appuyer sur l'individualisme façon Stirner. Ils devraient peut-être y repenser: http://www.non-fides.fr/?L-Ethique-Stirnerienne

 

Citation

Stirner l’expose dans des termes métaphysiques exacts, mais un peu confus.

 

J'ai mal à ma Philosophie.

Lien vers le commentaire

J'ai terminé le bouquin de Rory Miller, Facing Violence: Preparing for the Unexpected, qui avait été conseillé par @Kassad et c'est tout bonnement excellent. je remets sont message ici pour pas le répéter:

Le 24/09/2017 à 18:07, Kassad a dit :

Je viens de lire "Facing Violence : Preparing for the unexpected" de Rory Miller. 

 

Miller est un ancien gardien de prison (en Irak tout un programme) qui fait part de ses réflexions sur la violence réelle et comment s'y préparer. Il parle de tous les aspects (sans parler du combat lui même) : du juridique au physiologique en passant par l'éthique. C'est très intéressant notamment sa classification des différents types de violences et de comment y faire face (faire la distinction entre une violence sociale vs une violence perpétrée par un prédateur etc.).  La mécanique des scénarios les plus courants. Le fait qu'on reste figé et comment casser cette sidération. Etc.

  

Dans une certaine mesure ça m'a fait penser à "À billion wicked though" qui décortique la mécanique de l'excitation sexuelle à travers le Big data en ce que pendant la lecture je pouvais identifier des expériences personnelles. Sur le moment, voire même après, il est parfois difficile de voir pourquoi on a agit ainsi : avoir une explication structurée de ces instants donne une sensation de type "Eurêka", une petite épiphanie païenne.

 

Je pense que parmi les grosses réussites de l'auteur, il y a toute la description et l'explication particulièrement détaillée du phénomène qu'il appelle freeze -le saisissement- qui parlera à tout ceux qui ont déjà fait l'expérience d'une bonne bagarre / agression pas prévue.

Egalement, la fin de son livre traite de quelque chose dont on entends pas forcément parler mais qui est tout aussi intéressant, les démêlés légaux et concrets avec la police et la justice: comment se comporter vis à vis des forces de l'ordre, quels policiers font quoi, la partie pénale, la partei civile, etc... C'est un peu dommage pour nous autres parce que cette partie est complètement américano centrée mais certains conseils sont toujours de bon aloi (notamment celui d'être poli et courtois avec le flic qui t'enregistre quand tu va en cellule, parce que celui là a probablement participé à plus de baston en quelques années que l'essentiel des flics dans toutes leurs vies).

Plus largement, le livre est très bon parce qu'il aborde tous les aspects de la question et qu'il repose largement sur du vécu empirique de quelqu'un qui en a beaucoup.

 

Ha oui, et il y a aussi quelques passages dans le livre savoureux sur le statut et la dynamique sociale autour des victimes.

Lien vers le commentaire
Le 19/08/2018 à 22:24, Tramp a dit :

 

Si l’economie Misesienne t’intéresse dans le détail, Rothbard est plus facile à lire (Man, Economy and State).

 

 

Sauf que le bouquin est très difficile à trouver en français... Si quelqu'un a un bon plan, je suis preneur.

Lien vers le commentaire

J'ai commencé à lire la thèse de P. Bedouret ; je trouve fascinant (et quelque part ironique) d'observer comment le nationalisme français de Barrès s'origine dans les prémisses de l'idéalisme allemand, celui de Fichte en particulier:

 

Citation

"Le Culte du Moi, porte l’empreinte des œuvres de Fichte, Schopenhauer et Hartmann. Aux deux premiers, il doit l’idée essentielle que le Moi soit « la seule réalité » et que la réalité varie avec chacun de nous, puisqu’elle est l’ensemble de nos habitudes de voir, de sentir et de raisonner ; au dernier la révélation de l’importance de l’inconscient sur laquelle débouche le troisième ouvrage de la trilogie Le Jardin de Bérénice. On reconnaîtra bien évidemment dans cette affirmation : « C’est nous qui créons l’univers », un résumé des convictions idéalistes de Barrès, mais surtout l’influence déterminante qu’exerce sur lui, le philosophe allemand Fichte." (p.39)

"Claude Digeon, dans La crise allemande de la pensée française, énumère les nombreuses similitudes entre Barrès et Fichte, notamment l’affirmation que le monde est la création du Moi ; que l’effort vers le non-Moi est peut-être mis dans le Moi par une force invisible ; que les convictions se forment dans une sphère inaccessible au raisonnement et que la pensée à sa racine dans un instinct plus profond ; que l’intelligence doit connaître ces déterminations, afin d’assurer la liberté et que les avantages de la liberté seront obtenus par des conventions réciproques méritant seules le nom d’institutions sociales." (p.40)

"Comme les premiers romantiques, il échappe aux classifications faciles. Ainsi à la recherche d’une vérité universelle et abstraite, il substitue la description d’une expérience originale et vécue ; sa pensée oscille entre le culte de l’histoire et l’approbation de la révolte sous toute ses formes ; il balance souvent entre un individualisme qui n’est pas autre chose que le culte du génie créateur et la subordination de l’individu à la collectivité et à l’histoire." (p.44)

"Et comme pour les romantiques, dans la pensée de Barrès le culte du Moi-Individu se métamorphose très rapidement suite à l’effet d’un déclencheur, à un Culte du Moi-Nation, à l’exaltation de la nation, à la subordination de l’individu à la collectivité, et finalement à un nationalisme fermé qui requiert, afin d’assurer l’intégrité du corps national, l’élaboration de tout un système de filtrage et de défense. Il en est de même pour ce qui concerne les thèmes de l’âme populaire et de l’inconscient qui sont au cœur de la conception barrésienne de la nation: ce n’est pas par hasard, si Barrès place les trois volumes du Culte du Moi sous le patronage de Hartmann et de Fichte, ou qu’il se compare à ce dernier. Ce n’est pas par hasard non plus, si cette trilogie traduit la profonde influence qu’a eue sur lui l’œuvre de Wagner. A l’instar des romantiques, Barrès fait partir l’essentiel de ses réflexions, non de l’individu qui n’a pas de signification en soi, mais de la collectivité sociale et politique, qui ne saurait être considérée comme la somme numérique des individus la constituant. C’est pourquoi, il s’élève violemment contre l’individualisme rationaliste de la société libérale, contre la dissolution des liens sociaux dans la
société bourgeoise
." (p.45)
-Philippe Bedouret. BARRES, MAURRAS et PEGUY face au germanisme (1870-1914). Histoire. ECOLE PRATIQUE DES HAUTES ETUDES, 2005. Français. <tel-01511730>.

 

Lien vers le commentaire

@Nigel Je me méfie des récupérations politiques que les catholiques peuvent faire. Ça me fait penser au livre de Charles Gave "Un libéral nommé Jesus". On peut faire dire n'importe quoi au textes sacrés, il doit bien y avoir suffisamment de verset pour faire de Jesus un construstiviste.

  • Yea 1
Lien vers le commentaire
il y a 35 minutes, Soda a dit :

On peut faire dire n'importe quoi au textes sacrés

 

Oui. Mais une fois qu'on a dit ça, on peut quand même se réjouir que certaines interprétations soient plus populaires que d'autres, au hasard: https://en.wikipedia.org/wiki/Christian_communism

Lien vers le commentaire

@Johnathan R. Razorback oui et en ce moment je suis en train de lire De la démocratie en Amérique de Tocqueville, la religion a apporté beaucoup à ce pays.

 

Je suis pour l'instant au volume 1, ça critque de la démocratie est intéressante, comme par exemple que un des défauts de la democratie c'est de produire des politiciens médiocres. Le volume 2 semble encore plus intéressant mais je vais faire les choses dans l'ordre.

  • Yea 1
Lien vers le commentaire

J'ai fini La Vertu d'égoïsme. L'objectivisme, ce n'est pas très puissant comme philosophie. Bien qu'intéressant d'un point de vue épistémologique et éthique. Je dois lui reconnaître deux principales qualités : 1- un système de pensée abordable, et donc intelligible par tous (si on fait l'effort de s'approprier le sens des mots utilisés par l'auteur) 2- une philosophie profondément respectueuse de la nature humaine, en ce qu'elle reconnaît -à mon sens- une valeur intrinsèque à la vie de chacun par le refus de l'altruisme sacrificiel (lorsque celui-ci se pose en prescription, non en choix personnel).

 

Ceci dit, s'y conformer reviendrait à renier ma foi chrétienne, et la vision du monde qu'Ayn Rand propose me semble trop aride pour en tirer une quelconque satisfaction. Mais sa lecture est toujours un baume. Je n'ai pu m'empêcher de faire un parallèle avec Bertrand Russell et ses positions rationalistes (à propos de l'importance conférée aux données factuelles, la méfiance envers les considérations purement subjectives), même si je doute qu'il y ait une quelconque influence. En revanche, Nietzsche et Kant sont bien là, me semble-t-il.

 

 

 

Lien vers le commentaire
il y a 9 minutes, poincaré a dit :

1): Ceci dit, s'y conformer reviendrait à renier ma foi chrétienne

 

2): Nietzsche et Kant sont bien là, me semble-t-il.

 

1): L'objectivisme est effectivement explicitement athée.

 

2): Non, du tout. Si tu crois ça c'est que tu n'as pas compris ce que tu as lu et/ou que tu connais mal Kant et Nietzsche.

Ou à la rigueur, il y a une ressemblance superficielle entre Nietzsche et Kant de part la critique du christianisme, de la valeur morale de la pitié, et la dimension élitiste ou "culte du héros". Mais guère plus: "I disagree with [Nietzsche] emphatically on all fundamentals. Judge a philosopher by the fundamentals of his philosophy -namely, his metaphysics and epistemology. Nietzsche was a subjectivist and an irrationalist. Existentialism claims him as an ancestor, with a great deal of justice." (Ayn Rand, Answers, New American Library, 2005, 241 pages, p.117)

 

Avec Kant l'opposition est encore plus totale: https://objectivismefr.wordpress.com/2018/03/22/morale-objectiviste-contre-morale-kantienne/

 

Tiens, puisqu'on parle de Kant, j'ai bien ri:

« Quant à la Critique de la Raison pure: la distinction fondamentale, irrémédiable, entre le noumène et le phénomène, entre le moi et le non moi, aboutit à découronner la science de son caractère de certitude et à détrôner la raison. Notre prétendue incapacité à concevoir l’essence des choses et des êtres nous impose l’état de doute, de fantaisie, d’arbitraire permanent, nous engourdit quant au monde extérieur, et se perd, tantôt dans un scepticisme morne et boudeur, tantôt dans un altier refus de conclure. C’est l’école de la paralysie mentale, du rêve à vide, de la chimère divinisée. A chacun sa nuée, et défense de s’entendre sur quelques principes fondamentaux qui ne soient ni restrictifs, ni prohibitifs, ni négatifs, défense d’être reliés (religio). (....). Tous les systèmes fondés sur le sensible au détriment de la Raison, soit en Allemagne, soit en France, doivent se réclamer d’Emmanuel Kant. Il est le père de cette loucherie, de ce que j’appellerai cette diplopie mentale, qui décompose le relief de la vie, du réel, en deux éléments désormais incapables de se rejoindre: le concevant et le conçu, le percevant et le conçu, le percevant et le perçu, le sentant et le senti. Par cette fissure s’écoulera dans toute la substance philosophique que nous devons à Aristote, à Platon et à saint Thomas. »

-Léon Daudet, Hors du joug allemand, NLN, Paris, 1915, p.15.

Lien vers le commentaire
Il y a 15 heures, Johnathan R. Razorback a dit :

critique du christianisme, de la valeur morale de la pitié, et la dimension élitiste ou "culte du héros"

C'est bien à cela que je faisais référence. 

 

Pour Kant, je pensais à la maxime de traiter l'individu comme une fin en soi, ce à quoi Alain Laurent fait référence dans la préface. Loin de moi l'idée de m'aventurer dans la profondeur de leurs pensées respectives (que je ne connais guère - et qui me donnent à l'avance mal à la tête).

Lien vers le commentaire
19 hours ago, Johnathan R. Razorback said:

Tiens, puisqu'on parle de Kant, j'ai bien ri:

« Quant à la Critique de la Raison pure: la distinction fondamentale, irrémédiable, entre le noumène et le phénomène, entre le moi et le non moi, aboutit à découronner la science de son caractère de certitude et à détrôner la raison. Notre prétendue incapacité à concevoir l’essence des choses et des êtres nous impose l’état de doute, de fantaisie, d’arbitraire permanent, nous engourdit quant au monde extérieur, et se perd, tantôt dans un scepticisme morne et boudeur, tantôt dans un altier refus de conclure. C’est l’école de la paralysie mentale, du rêve à vide, de la chimère divinisée. A chacun sa nuée, et défense de s’entendre sur quelques principes fondamentaux qui ne soient ni restrictifs, ni prohibitifs, ni négatifs, défense d’être reliés (religio). (....). Tous les systèmes fondés sur le sensible au détriment de la Raison, soit en Allemagne, soit en France, doivent se réclamer d’Emmanuel Kant. Il est le père de cette loucherie, de ce que j’appellerai cette diplopie mentale, qui décompose le relief de la vie, du réel, en deux éléments désormais incapables de se rejoindre: le concevant et le conçu, le percevant et le conçu, le percevant et le perçu, le sentant et le senti. Par cette fissure s’écoulera dans toute la substance philosophique que nous devons à Aristote, à Platon et à saint Thomas. »

-Léon Daudet, Hors du joug allemand, NLN, Paris, 1915, p.15.

C'est nul ce qu'il raconte ce gars.

  • Yea 1
Lien vers le commentaire

Ce qui n'est pas en gras est guère mieux.

 

Déjà, la distinction entre phénomène et noumène n'est pas la distinction fondamentale de la cdlrp. On voit que le mec ne connaît Kant que par la littérature secondaire. C'est un point qui a été extrêmement dramatisé par les successeurs de Kant et par ses commentateurs, mais dans l'oeuvre, c'est un point assez secondaire, pour régler (assez bourrinement, certes) des problèmes par ci par là. La distinction entre les couples a priori/empirique et synthétique/analytique est beaucoup plus importante. C'est elle la base de toute la théorie de la connaissance kantienne.

 

Ensuite, l'affirmation de l'impossibilité de connaître les choses en elle même n'est pas quelque chose de particulièrement original chez Kant, ça ne vient pas de lui, et ce n'est pas ce qui est le plus important chez lui. Kant c'est le type qui cherche à comprendre comment, malgré ça, on peut avoir une vraie science systématique et à prétention universelle.

 

A propos de cette drôle d'idée, selon laquelle le rejet du sensible au profit de la raison remonterait à Kant... ça se passe de tout commentaire.

 

Chose importante à signaler, c'est peut être, avec un peu de recul, la thèse la plus audacieuse et la plus centrale de Kant : si l'usage spéculatif (théorétique, en vu de comprendre le monde) de la raison n'est légitime qu'à la condition d'être rapporté, au moins idéalement, à l'expérience, l'usage pratique (moral, en vu de l'action) de la raison, lui, doit s'en défaire entièrement. Il prend complètement à rebours le "bon sens" qui voudrait que le spéculatif consiste à réfléchir sans regarder, et le pratique à faire des compromis avec nos expériences.

Lien vers le commentaire

C'était plus pour l'énormité de l'affirmation que pour autre chose. Il se trouve que je travaille sur le nationalisme français, et le kantisme est l'une des bêtes noires de Barrès et de l'Action française.

 

Sinon @Mégille, on parlait l'autre jour de Kant et du socialisme. Je généralise un peu mais à la fin du 19ème les intellectuels socialistes non-marxistes français (et aussi les allemands d'ailleurs*, comme Conrad Schmidt: https://www.marxists.org/archive/plekhanov/1898/conrad-schmidt.htm ) se revendiquent fortement de l'idéalisme allemand. Péguy est socialiste sur une base kantienne jusqu'en 1907 (suite à quoi il devient anti-kantien par bergsonisme). Charles Andler écrit qu'il est devenu socialiste en lisant Fichte. Quand à Jaurès, il voit le socialisme comme l'issue de toute l'évolution de l'idéalisme allemand:

 

"Je ne rattache pas le socialisme allemand au matérialisme de "l'extrême-gauche hégélienne", mais à ces idéalistes qui s'appellent Luther, Kant, Fichte et Hegel, je veux, non seulement atteindre les vraies sources profondes du socialisme allemand, mais encore découvrir la future évolution de ce socialisme."
 

"Fichte m'apparaît comme l'image agrandie, amplifiée de Kant."

 

"Comment le socialisme est-il issu de la philosophie hégélienne ? A la vérité, Hegel a esquissé dans la société civile ce que l'on appelle socialisme d'Etat ; et du même coup il a donné force et vie aux corporations qui, réunies entre elles, aboutiraient rapidement au collectivisme. Il n'a pas précisément recommandé le collectivisme en fixant la propriété dans la sphère du particularisme et de l'individualisme. Mais le premier il a comparé l'Etat à un organisme, ce qui a été pour le socialisme un puissant argument en faveur de l'adoption pour les biens d'une forme organique unitaire. Ensuite Hegel n'a placé la liberté vraie et complète, ni dans l'individualité de la personne, l'isolement de l'individu, ni dans le prétendu libre-arbitre, mais dans l'universalité et dans l'Etat de façon à ce que l'Etat seul soit la liberté parfaite ; or cela est presque du socialisme. Puis, lorsqu'il a mis l'Etat au-dessus de la société civile et comme au-dessus de l'union extérieure apparente des citoyens, lorsqu'il a déclaré qu'en l'Etat étaient incluses la véritable religion, la véritable philosophie, il a poussé les hommes à soumettre toute leur vie, c'est-à-dire même leurs biens, à l'unité, à la loi, à la raison divine de l'Etat. Voilà les appuis que le socialisme allemand a empruntés à la philosophie hégélienne du Droit.
Pris dans son ensemble, l'hégélianisme a favorisé le socialisme allemand non seulement par sa philosophie du droit et de l'Etat, mais encore par toute sa dialectique. De la description hégélienne des différents aspects, des divers moments de la marche progressive de l'Idée et de l'Absolu, nous concluons aisément que dans le monde, aucune forme de l'Idée, aucun moment de l'Absolu ne suffisent à eux-mêmes et ne valent pour l'éternité.
"
-Jean Jaurès, Les origines du socialisme allemand, traduction par Adrien Veber de la thèse latine, in Revue Socialiste (de Benoît Malon), 1892.

 

*ça continue d'ailleurs de nos jours avec Axel Honneth qui fournit au socialisme une "base théorique puisée dans la meilleure tradition philosophique, à l’intersection d’Emmanuel Kant et de Georg Wilhelm Friedrich Hegel": http://www.liberation.fr/debats/2017/09/26/la-condition-du-socialisme-c-est-la-liberte_1599120

Lien vers le commentaire
Citation

Sera puni d'une amende de 3 750 € et d'un emprisonnement de six mois quiconque aura incité le public à refuser ou à retarder le paiement de l'impôt.

 

https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do;jsessionid=D799F06254AC22B23C9B079745E6A9BF.tplgfr27s_2?idArticle=LEGIARTI000006313764&amp;cidTexte=LEGITEXT000006069577&amp;dateTexte=20180829

 

En taule tout ceux qui éditent Thoreau !

Lien vers le commentaire

Par contre, j'ai visiblement répondu dans le mauvais sujet.

 

Je voulais dire : @Johnathan R. Razorback Ouai, pour Fichte et Hegel, ça ne me semble pas aberrant de les voir comme des proto-socialistes... Par contre, ranger Kant dans le même panier me ferait mal au coeur :icon_sad:

Lien vers le commentaire

L'éthique de Kant est chelou, il faut bien l'avouer, mais c'est plutôt un cas de rationalisme exacerbé ("je dis que ça doit se passer comme ça, et si ça ne se passe pas comme ça c'est l'Univers qui se trompe") que de mauvaises intentions.

Lien vers le commentaire
Il y a 1 heure, Mégille a dit :

Par contre, ranger Kant dans le même panier me ferait mal au coeur :icon_sad:

 

Note bien que je ne prétend que Kant soit socialiste, ni que le socialisme soit une option politique logiquement consécutive ou même simplement non-contradictoire avec la morale kantienne. Je constate simplement que c'est une interprétation assez populaire (en France et en Allemagne), en termes d'histoire des idées.

 

En revanche j'ai du mal à ne pas voir Kant comme un philosophe collectiviste, ne serais-ce que par défaut (une philosophie politique qui n'admet pas quelque chose comme un droit de résistance à l'oppression fait de facto le jeu de l'oppression).

Certains prétendent aussi que Kant serait un positiviste juridique, à l'instar de Rousseau.

Lien vers le commentaire

En mettant de l'ordre chez ma grand-mère, je suis tombé sur le dictionnaire encyclopédique Quillet édition 1934 (la première) d'un de mes aïeux.

J'y ai lu un article sur les "goitreux du valais", assimilés en France aux "crétins des alpes". En marge de l'article, le lexicologue évoque la sémantique du mot "crétin" et précise son sens familier qui désigne une personne stupide; il en donne ensuite un exemple:

"Les crétins! s'exclame-t-il, ils n'ont pas compris qu'ils viennent de mettre la main sur le neutron."

C'est la première remarque qui est venue à l'esprit d'Ettore MAJORANA après avoir pris connaissance de l'article d'Irène et Frédéric Joliot-Curie, "Émission de protons à grande vitesse par les substances hydrogénées sous l'influence de rayons gamma très pénétrants", article paru dans "les comptes rendus de l'académie des sciences".

C'est encore plus savoureux en italien, jugez plutôt : "Gli déficienti! Non si reservo conte di aver appena trovato il neutrone"

Irène et Frédéric...les deux gloires communistes de l'institut du radium...la fine fleur de la recherche collectiviste pré-thorezienne...incapables d'apporter la bonne interprétation des résultats de leur recherche...ridiculisés...par un génie, certes, mais ridiculisés...

Et quelle malice chez le rédacteur de l'encyclopédie!

  • Haha 1
Lien vers le commentaire

Je connaissais pas ce type, il est fascinant ! D'après Klein, il aurait dit "Stronzi", mais bon ça revient à peu près au même...

Lien vers le commentaire

Créer un compte ou se connecter pour commenter

Vous devez être membre afin de pouvoir déposer un commentaire

Créer un compte

Créez un compte sur notre communauté. C’est facile !

Créer un nouveau compte

Se connecter

Vous avez déjà un compte ? Connectez-vous ici.

Connectez-vous maintenant
×
×
  • Créer...